La police municipale est la source d'un abondant contentieux, ce qui a souvent poussé le juge administratif à préciser la notion d'ordre public. L'arrêt du 27 octobre 1995 s'inscrit dans cette évolution. En l'espèce, le maire de Morsang-sur-Orge prend un arrêté le 25 octobre 1991 interdisant le spectacle de « lancer de nain » qui devait se dérouler dans une discothèque de la commune. La société Fun Production qui produisait le spectacle et M. Wackenheim, le nain qu'elle employait, saisissent le Tribunal administratif de Versailles pour contester l'arrêté. La juridiction fait droit à la demande des requérants en annulant l'arrêté du 25 octobre 1991 et en condamnant la commune à verser une indemnité de 10 000 euros à la société Fun Production et à M. Wackenheim, aux motifs que l'interdiction d'un spectacle, en dehors de circonstances locales exceptionnelles, n'est pas légal, à même supposer qu'il porte atteinte à la dignité humaine. Le maire de la commune de Morsang-sur-Orge saisit alors par la voie de l'appel le Conseil d'Etat afin de demander d'une part, l'annulation du jugement du 25 février 1992 du Tribunal administratif de Versailles, et d'autre part, la condamnation de la société Fun Production et de M. Wackenheim à verser une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991. En droit, pour donner droit à la demande du maire de Morsang-sur-Orge, les juges doivent apprécier si l'arrêté du 25 octobre 1991 est légal. Or, les mesures de police administratives ne sont régulières que si elles sont prises pour maintenir l'ordre public. Cependant, la notion d'ordre public est très changeante et son contenu varie en fonction de plusieurs données comme le moment, le lieu... Mais il existe tout de même une trilogie au sein de l'ordre public: la sécurité, la sûreté et la salubrité publiques. Le Conseil Constitutionnel considère que « la sauvegarde de l'ordre public est un objectif de valeur constitutionnelle ». En l'espèce, la notion centrale de l'arrêt est le respect de la dignité de la personne humaine. Or, cette notion a une valeur constitutionnelle. Donc, le respect de la dignité humaine autorise-t-il le maire à interdire un spectacle qui y porte atteinte, même en l'absence de circonstances locales particulières? Le Conseil d'Etat a affirmé d'une part, que le respect de la dignité de la personne humaine était une nouvelle composante de l'ordre public, et d'autre part, l'autorité administrative investie du pouvoir de police municipale pouvait interdire une attraction qu'il estimait porter atteinte à ce principe, et cela même en l'absence de circonstances locales particulières. Il convient donc d'étudier en premier cet ajout à la notion d'ordre public avant de s'intéresser à la justification du pouvoir d'interdiction du maire en matière de spectacles.
[...] En effet, il existe une ordonnance dans le paysage juridique français prise le 15 octobre 1945 relatives aux spectacles. Il s'agit ici d'un pouvoir de police spéciale qui ne s'applique qu'à certaines catégories d'administrés ou d'activités. En l'espèce, l'article 13 de cette ordonnance énonce que sont soumis à autorisation préalable du maire les spectacles forains les exhibitions de danse et de chant dans les lieux publics et tous les spectacles de curiosité et de variétés. Il ne semble pas risqué d'avancer que le lancer de nain fait partie de ces spectacles de curiosité. [...]
[...] Cependant, ce n'est pas toujours le cas comme le démontre le présent arrêt 27 octobre 1995. En effet, le Conseil d'Etat admet que l'autorité du pouvoir de police municipale peut, même en l'absence de circonstances locales particulières, interdire un attraction Ainsi, c'est le spectacle en lui-même et non en raison des circonstances que l'attraction est attentatoire à cette dignité. En effet, il n'est fait mention d'aucune protestation de la part des habitants de la commune vis à vis du spectacle de lancer de nain en cause. [...]
[...] Le Conseil d'Etat écarte cet argument aux motifs qu'elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir de police municipale interdise une activité même licite si une telle mesure est seule de nature à prévenir ou faire cesser un trouble à l'ordre public. Les juges concluent aussitôt en affirmant que tel est le cas en l'espèce, eu égard à la nature de l'attraction en cause. Ainsi, ils font prévaloir le pouvoir de police administrative du maire sur les libertés du travail et du commerce. A l'origine, les mesures de police avaient pour but de protéger les individus contre les abus des autres. Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat semble protéger M. [...]
[...] Cependant, il n'est pas dangereux d'avancer que la décision dépasse le cas d'espèce. En effet, les juges ont reconnu aux autorités administratives municipales le droit de prendre des mesures d'interdiction concernant des spectacles ou attractions qu'elles jugent contraire au principe du respect de la dignité de la personne humaine. Cependant, il ne faut pas interpréter trop largement cette décision car cela ne concerne que les cas d'atteinte à la dignité de la personne humaine au sens strict du terme. Pour protéger cette décision d'une interprétation excessivement large, il a été confié au juge de l'excès de pouvoir le soin de trancher les litiges concernant des mesures d'interdiction ayant pour but de protéger la dignité de la personne humaine. [...]
[...] Le Conseil d'Etat a donc en premier lieu affirmé sans équivoque le caractère attentatoire du spectacle de lancer de nain à la dignité de la personne humaine. Après avoir qualifié ce fait, il a pu naturellement poser le principe que le respect de la dignité de la personne humaine était une des composantes de l'ordre public. Ainsi, il a pu décidé que cette atteinte était suffisante pour justifier les pouvoirs de police administrative du maire conduisant à interdire de telles attractions. [...]
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