Conseil d'État, 6e chambre, 25 mars 2019, absence de préjudice réel, préjudice actuel, caractérisation, emprise irrégulière, refus d'indemnisation, tribunal administratif, Polynésie française, attaque, copropriétaires, indemnisation, article L761.1 du code de justice administrative, droit de propriété, théorie d'emprise irrégulière, jurisprudence Obed, dépossession, juge administratif évolutive, erreur de droit, continuité jurisprudentielle, Époux Binet contre EDF
En l'espèce, une commune a réalisé une tranchée drainante et instauré un périmètre de protection de part et d'autre de la réalisation, sans l'autorisation préalable des copropriétaires de cette terre. Dès lors, ces derniers assignent la commune en justice.
Par un jugement du 26 mai 2015, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande des requérants qui portait d'une part à condamner la commune à leur verser une somme afin de réparer le préjudice subi et d'autre part de prendre en charge les frais d'expertise. Les requérants ont alors formé un appel contre ce jugement, mais, par un arrêt du 28 mars 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté ce dernier. Enfin, les requérants se pourvoient donc en cassation.
[...] Les conditions sont donc réunies pour identifier une emprise irrégulière, cependant la Cour refuse d'indemniser ces derniers. Le refus volontaire d'indemnisation énoncé par la Cour En effet, la Cour administrative refuse d'indemniser ces derniers au motif que « le rapport d'expertise déposé le 2 avril 2014 recommandait l'acquisition par la commune du terrain litigieux, pour un prix évalué à francs CFP, soit par accord amiable avec les propriétaires, soit par procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, et que l'additif à ce rapport estimait à F CFP le coût de la remise du terrain dans son état initial, ce dernier ne pouvant résulter que de la destruction de l'ouvrage public à laquelle les propriétaires du terrain d'assiette de l'ouvrage ne peuvent procéder dès lors que seul le juge a le pouvoir de la prescrire ». [...]
[...] Dans cet arrêt, le Conseil d'État maintient sa position dans la nouvelle jurisprudence qui étend la compétence du juge administratif concernant le champ d'application de l'emprise irrégulière. Ainsi, en quoi la compétence du juge administratif a-t-elle évolué à l'égard des actes de l'administration portant extinction au droit de propriété ? Si les requérants soulèvent clairement une atteinte de leur droit de propriété la compétence du juge administratif démontre son évolution (II). Une atteinte au droit de propriété justifié par les copropriétaires Les requérants énoncent implicitement la présence d'une emprise irrégulière de la part de la commune cependant, malgré cela, la Cour administrative refuse d'indemniser ces derniers Une mise en avant par les requérants de la théorie d'emprise irrégulière Une emprise irrégulière est présente dès lors que l'administration va illégalement priver un particulier de la propriété d'un bien immobilier. [...]
[...] En effet, ils ne peuvent plus choisir s'ils veulent ou non, utiliser leur terrain pour une utilité autre que l'adduction d'eau potable. Ensuite, il faut que la dépossession soit illégale, en accord avec la jurisprudence Bonduelle du Tribunal des Conflits de 1951. Dans le cas d'espèce, la dépossession est en effet illégale, car les copropriétaires n'ont pas donné leur autorisation concernant la réalisation d'une tranchée drainante. Dès lors, l'administration a construit cela sans se soucier de leur avis. Enfin, il faut que le bien soit un bien immobilier, c'est-à-dire un bien qui ne peut pas être déplacé. [...]
[...] Conseil d'État, 6e chambre mars 2019, n°411966, Inédit au recueil Lebon - L'absence de préjudice réel et actuel justifiait-elle l'exclusion de la caractérisation de l'emprise irrégulière et donc un refus d'indemnisation ? L'intérêt de la décision du 25 mars 2019 rendu par le Conseil d'État se trouve dans le fait qu'elle contribue à éclaircir le lecteur sur deux aspects. Tout d'abord, ce cas d'espèce fixe les conditions d'indemnisations concernant la théorie de l'emprise irrégulière, mais il traite également de la l'évolution de la compétence du juge administratif relatif à cette théorie. [...]
[...] De l'autre, la Cour administrative avance que la décision d'édifier un ouvrage public sur une propriété privée pouvait certes porter atteinte à l'exercice du droit de propriété, en revanche elle n'avait pas pour effet l'extinction du droit de propriété sur cette dernière et n'a ainsi jamais conclu à une emprise irrégulière du fait que le préjudice n'était ni réel ni actuel. La question qui se pose au Conseil d'État est donc de savoir si l'absence de préjudice réel et actuel justifiait-elle l'exclusion de la caractérisation de l'emprise irrégulière et donc un refus d'indemnisation ? Le Conseil d'État répond par la négative. En effet, il apparaît qu'au vu des circonstances de l'espèce, le Conseil constate une emprise irrégulière et déduit donc que la Cour n'a pas apprécié tous les éléments qu'elle avait en sa possession. [...]
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