Suite à une requête d'une magistrate concernant un refus de nomination à un poste pour lequel elle était candidate, le Conseil d'Etat a été amené à s'interroger une nouvelle fois sur la possibilité d'un administré à se prévaloir directement d'une directive communautaire. Le 30 octobre dernier il affirme cette possibilité dans un arrêt de revirement attendu depuis une vingtaine d'années.
La magistrate Mme P. avait postulé pour un poste de chargée de formation à l'Ecole nationale de la magistrature. Face au refus de sa nomination, Mme P. a considéré qu'il s'agissait d'une discrimination faite en raison de son engagement et de ses activités syndicales. Elle demande alors au Conseil d'Etat d'annuler la décision administrative individuelle de nomination de l'autre candidate en d'une raison d'une injustice due à la prétendue discrimination.
Pour appuyer sa demande la requérante invoque la directive nº2000/78/CE du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2000. Cette directive donnait en effet à son article 10 l'indication aux Etats membres de mettre au point un dispositif adapté de charge de la preuve dans les cas où une discrimination est avancée.
La question qui se pose au Conseil d'Etat est donc de savoir si la discrimination était prouvée au regard de la directive du 27 novembre 2000 seulement pour pouvoir statuer sur cette question le Conseil devait préalablement déterminer s'il est possible pour un justiciable de se prévaloir d'une directive non transposée pour appuyer un recours contre un acte administratif individuel.
[...] Ainsi le conseil d'Etat est justifié à donner aux directives le caractère d'obligations constitutionnelles Malgré tout, si le législateur français ne se plie pas à son obligation constitutionnelle nouvellement définie alors la transposition de la directive provoque une situation de vide juridique. C'est cette situation qui est niée par Tête et aujourd'hui repris par Mme P. : Le défaut de transcription ne peut créer de vide juridique, les règles et dispositions réglementaires contraires aux dispositions des directives non transposées dans le temps imparti sont inefficaces. Cette inefficacité est justifiée et c'est elle qui permet de contester une décision administrative l'ayant dépassée. La différence majeure entre Tête et Mme P. [...]
[...] Cette solution permet au juge administratif d'établir sa conviction en possédant des éléments issus d'un débat contradictoire. Cet échange contradictoire est une véritable nécessité qui, en plus du bon sens, trouve une source juridique dans les principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes invoqué avec raison par le Conseil d'Etat. Au-delà de cette justification claire et louable, en réalité le Conseil d'Etat n'aurait pertinemment pas pu en accepter une autre. Au jour de la décision du Conseil, la directive avait fini par être transposée et il aurait été surprenant que l'Assemblée se prononce en contradiction de cette nouvelle norme. [...]
[...] Le Conseil exige en effet des dispositions précises La directive se devra donc d'être suffisamment claire et précise pour ne pas perdre son effet direct. En réalité cette limite est faible. Nous l'avons déjà évoqué, les directives tendent à être de plus en plus précises. Le défaut d'effet direct pour imprécision existe bien mais il est peu probable concrètement. A ces deux limites s'ajoute une incertitude plutôt embarrassante. Le principe de l'arrêt se borne à donner aux requérants un accès direct aux directives pour annuler une décision prise à leur encontre. [...]
[...] La question de la charge de la preuve résolue par un principe d'une nouveauté à relativiser En appliquant le nouveau principe le Conseil d'Etat va annoncer que la directive ne possède pas d'effet direct en l'espèce Cette conclusion en contradiction avec le principe nous amènera à nous interroger sur ses limites et sur sa nouveauté A. Une directive manquant d'effet direct en l'espèce Armé d'un principe tout juste affirmé le Conseil d'Etat va pouvoir procéder à une application en l'espèce. Pourtant dans sa solution, le Conseil n'utilisera pas le principe énoncé en lui trouvant une limite dans le cas présent. Dans un premier temps le Conseil cherche à appliquer le principe et se réfère donc directement à l'article 10 de la directive du 27 novembre 2000. [...]
[...] Et puisque qu'en droit français c'est bien au juge administratif que revient l'instruction, le cinquième paragraphe a lieu de s'appliquer, la limite est effective, et de là le Conseil en déduit l'absence d'effet direct de l'article 10 de la directive devant la juridiction administrative. Le juge peut donc grâce à sa qualité d'inquisiteur choisir l'administration de la preuve. C'est donc le loisir auquel va s'adonner l'Assemblée dans l'arrêt commenté. En réalité et malgré qu'elle a affirmé l'absence d'effet directe de la directive devant elle, l'Assemblée va rester proche du paragraphe 1. La partie qui s'estime discriminée doit présenter des éléments de fait appuyant cette discrimination au juge administratif. [...]
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