Monsieur A a été condamné le 30 janvier 1997 par la cour d'assises du Rhône à une peine de 20 ans de réclusion criminelle. Le Ministre de la justice, par une décision du 26 novembre 2003, a ordonné son transfèrement de la maison centrale de Saint-Maur, établissement pour peines, à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis.
Monsieur A forme alors un recours pour excès de pouvoir contre cette décision du Ministre de la Justice afin de l'annuler. Le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ainsi, Monsieur A interjette appel devant la Cour Administrative d'Appel, laquelle censura l'ordonnance du premier juge et fît droit à sa demande par un arrêt du 19 décembre 2005.
La Cour administrative d'appel estime que le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours contre une décision tendant au transfèrement d'un détenu d'un établissement pour peines vers une maison d'arrêt, est compétent pour contrôler la légalité de cette décision, cette décision constituant un acte administratif susceptible d'un recours pour excès de pouvoir, et n'étant pas une mesure d'ordre intérieur (MOI). La Cour administrative d'appel estime aussi qu'en vertu de l'article 1 de la loi du 11 juillet 1979 « doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police », cette motivation (article 3) devant comporter « l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ». Elle estime donc que la décision du Ministre de la justice relève de cette catégorie et doit être motivée, ce qui n'a pas été fait par le ministre. Ensuite, la même Cour se base aussi sur la loi DCRA du 12 avril 2000 qui indique que les décisions individuelles qui doivent être motivées en vertu des articles 1 et 2 de la loi de 1979 n'interviennent qu'après la possibilité pour la personne intéressée de présenter des observations, sauf en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles, lorsque leur mise en œuvre pourrait compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ou encore lorsque la loi a instauré une procédure contradictoire particulière. La Cour administrative d'appel estime que la décision prise ne relève pas d'une de ces trois exceptions et que, par conséquent, Monsieur A aurait dû être à même de présenter des observations. Ainsi, le Ministre de la justice se pourvoit en cassation devant le Conseil d'Etat afin de voir annuler cet arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris.
Plusieurs questions se posent alors au Conseil d'Etat. Il s'agit de savoir si le transfèrement d'un établissement pour peines à une maison d'arrêt constitue une mesure d'ordre intérieur ou fait grief, et si elle est, par conséquent, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; puis, si c'est le cas, de voir si cette décision du Ministre de la justice a été régulièrement prise, quant à la forme et au fond de l'acte.
Une question « préalable » s'est aussi posée au Conseil d'Etat. Il s'agissait de savoir si le mémoire complémentaire déposé par Monsieur A, enregistré le 25 novembre 2005 et transmis le jour même au garde des sceaux, respectait les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure.
Le Conseil d'Etat estime que le Ministre de la justice a disposé d'un délai suffisant pour en prendre connaissance et que la Cour administrative d'appel n'a pas méconnu le principe du caractère contradictoire de l'instruction. Le Conseil d'Etat estime alors que le Ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la Cour administrative d'appel pour ce motif. Quant aux autres questions qui se posent à lui, le Conseil d'Etat estime que la décision du ministre de la justice est un acte faisant grief susceptible d'être annulé par le biais du recours pour excès de pouvoir, et que cette décision était irrégulière tant quant à la forme qu'au fond.
[...] Ainsi, le Ministre de la justice se pourvoit en cassation devant le Conseil d'Etat afin de voir annuler cet arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris. Plusieurs questions se posent alors au Conseil d'Etat. Il s'agit de savoir si le transfèrement d'un établissement pour peines à une maison d'arrêt constitue une mesure d'ordre intérieur ou fait grief, et si elle est, par conséquent, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; puis, si c'est le cas, de voir si cette décision du Ministre de la justice a été régulièrement prise, quant à la forme et au fond de l'acte. [...]
[...] Les juges prennent donc en considération la gravité de la mesure et ses conséquences sur le détenu, pour accepter d'en examiner la légalité. Ainsi, si on est face à une mesure d'ordre intérieur qui porte atteinte aux droits des administrés (de par sa nature et sa gravité), le recours pour excès de pouvoir à son encontre est recevable. La mesure d'ordre intérieur devient donc un acte faisant grief, de par les dommages qu'elle porte aux droits et libertés fondamentaux du détenu. [...]
[...] En effet, le Conseil d'Etat précise que le transfèrement d'une maison d'arrêt à un établissement pour peine est une MOI (du fait des conditions de vie plus avantageuses), ainsi que le transfert entre établissements de même nature, sous réserve qu'il n'y ait pas d'atteinte aux libertés et droits fondamentaux des détenus. Ainsi, le Conseil d'Etat admet que le recours contre des décisions engendrant un transfert entre deux établissements de même nature serait recevable, à la condition qu'il y ai une atteinte aux droits et libertés fondamentaux des détenus. Cela permet donc à une situation qui, a priori, ne porte pas atteinte aux droits et libertés fondamentaux, d'être contrôlée et sanctionnée, si atteinte il y a. [...]
[...] De plus, dans son arrêt Ministre de la justice contre M Remli de 2003, le Conseil d'Etat a précisé à ce titre que ces deux critères n'étaient pas cumulatifs, et qu'alors, la seule présence d'un de ces deux critères suffisait pour déqualifier la mesure de MOI et admettre la recevabilité de la décision administrative devant le juge de l'excès de pouvoir. L'arrêt Boussouar met donc fin aux hésitations jurisprudentielles antérieures relatives à la qualification d'une MOI, ce qui offre plus de sécurité juridique pour les détenus car celles-ci portent forcement atteinte aux droits et libertés. Il était en effet important de savoir jusqu'où cette atteinte de l'administration était tolérée. [...]
[...] Celle-ci contient sept catégories de décisions administratives devant être motivées, et le juge administratif estime que la catégorie choisie par la Cour d'Appel n'est pas la bonne. En effet, en vertu de la loi de juillet 1979, le Conseil d'Etat considère que la décision de transfèrement d'un établissement pour peines à une maison d'arrêt est une décision de restriction défavorable, décisions devant donc être motivées. En outre, l'article 24 de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration (DCRA) du 12 avril 2000 prévoit que quand la décision entre dans une de ces catégories, elle doit être motivée, et l'administré à l'égard duquel elle est prise doit pouvoir présenter des observations. [...]
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