Cet arrêt tient son importance de ce que le Conseil d'Etat a approfondi, par la solution rendue, son contrôle en matière d'opération d'utilité publique.
L'expropriation pour cause d'utilité publique est une opération par laquelle un particulier se voit contraint de céder la propriété d'un immeuble dans un but d'utilité publique et moyennant une indemnisation juste et préalable.
Ces opérations d'utilité publique sont des dispositifs complexes qui créent des inconvénients plus ou moins contraignants. En l'espèce, le gouvernement voulait créer un nouvel espace dans le secteur de la ville de Lille. Il s'agissait de la « Ville Nouvelle Est ». Cet espace devait être aménagé dans le but d'y accueillir des étudiants. Cette opération nécessitait l'expropriation d'une centaine de maisons. Le 23 septembre 1967, l'arrêté préfectoral ouvrant l'enquête prescrite en vue de la déclaration d'utilité publique est pris sur le fondement d'un dossier qui ne concerne que la demande de déclaration publique en vue de l'acquisition d'immeubles. Le dossier pourrait ne pas être complet, en vertu de l'article premier du décret n*59-701 du 6 juin 1959. Cependant, la déclaration d'utilité publique est bel et bien prononcée pour ce projet.
Le problème qu'il convient alors de se poser concerne la validité de cette déclaration d'utilité publique. En effet, le dossier est incomplet et marque donc l'absence de certaines dispositions requises pour la déclaration d'utilité publique. De plus, la demande d'expropriation peut, par son ampleur, paraître plus que discutable. Les conséquences sont importantes et les juges du Conseil d'Etat réunis devront se poser la question du bien-fondé de cette déclaration. L'intérêt de cet arrêt repose vraiment sur le fait que les juges vont devoir étudier les conséquences de cette déclaration.
La solution est : « que, dans ces conditions et compte tenu de l'importance de l'ensemble du projet, la circonstance que son exécution implique que disparaissent une centaine de maisons d'habitations n'est pas de nature à retirer à l'opération son caractère d'utilité publique. »
On met de coté le problème de la compétence du ministre de l'équipement et du logement sur lequel le Conseil d'Etat a dû statuer mais qui ne pose pas vraiment de problème juridique majeur. Il en est de même pour la procédure de l'enquête et pour le détournement de pouvoir. Seuls quelques éléments de la procédure d'enquête seront pris en compte parce qu'ils concernent le problème de l'utilité de l'opération.
Mais, plus que la solution de l'arrêt, c'est sa motivation qui est importante. En effet, dans un considérant de principe, le juge a indiqué qu' « une opération ne peut être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ». Cet arrêt marque donc la fin de l'appréciation in abstracto du juge (I) et intensifie donc son contrôle de l'utilité publique. (II)
[...] Il y a certes intérêt général mais : la commune était propriétaire de plusieurs parcelles qui, par leur situation et leur superficie, étaient de nature à permettre l'exécution dudit projet dans des conditions équivalentes Par ailleurs, la jurisprudence s'enrichissait de décisions manifestant la volonté d'un débat à partir d'une opération in concreto des circonstances de l'affaire. Trois arrêt peuvent être cités, il s'agit de l'arrêt CE mai 1984, Groupement de l'ilot Firmigny-Centre concernant une opération de rénovation urbaine. Alors que le CE aurait pu d'emblée reconnaître l'utilité, il se livre pourtant à une analyse comparative des mesures envisagées par l'expropriant à propos de la destruction des logements vétustes, de la restructuration du centre ville et de la création des espaces verts pour conclure à la légalité de l'expropriation. [...]
[...] Pour le juge, le jugement de déclaration d'utilité publique nécessite l'étude des avantages autant que des inconvénients et cela alors que ces éléments paraissaient indépendants. Ce fonctionnement est sûrement moins favorable à l'administration mais plus égalitaire. Le contrôle du bilan coût avantages apparaît dès lors plus poussé qu'un simple contrôle de qualification juridique des faits. Dans l'échelle des différents contrôles exercés par le juge administratif sur la légalité des actes administratifs, il constituerait donc un contrôle spécifique, situé à mi chemin entre le contrôle normal et le contrôle maximum. [...]
[...] L'intérêt de cet arrêt repose vraiment sur le fait que les juges vont devoir étudier les conséquences de cette déclaration. La solution est : que, dans ces conditions et compte tenu de l'importance de l'ensemble du projet, la circonstance que son exécution implique que disparaissent une centaine de maisons d'habitations n'est pas de nature à retirer à l'opération son caractère d'utilité publique. On met de coté le problème de la compétence du ministre de l'équipement et du logement sur lequel le Conseil d'Etat a dû statuer mais qui ne pose pas vraiment de problème juridique majeur. [...]
[...] Si l'administration s'est simplement trompée dans l'identification de l'utilité publique, il n'y a pas de détournement de pouvoir. Celui-ci n'apparaît que s'il y a intention délibérée et consciente de tourner la loi, intention que l'administration sait généralement camoufler, sauf maladresse de sa part. Et en matière d'expropriation, le détournement de pouvoir est d'autant plus difficile à déceler que, il y a utilité publique même si le projet satisfait aussi des intérêts privés et des intérêts financiers à la seule condition qu'ils ne soient pas exclusifs. [...]
[...] Le Conseil d'Etat décide que malgré toutes les conséquences et le coût, ce projet appartient à ceux que l'on reconnaît d'utilité publique. L'expropriation et donc l'atteinte à la propriété privée (la démolition des immeubles.), ainsi que le coût de l'opération (financé d'ailleurs par l'Etat), et les inconvénients d'ordre social (le déménagement forcé et le relogement des habitants) ne constituent pas des obstacles assez grands par rapport à son caractère utile. Le Conseil d'État a donc estimé que l'édification d'une faculté de droit était plus importanet que la conservation des corons (groupe d'habitations ouvrière en pays minier). [...]
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