A l'instar de certains pays européens, la France a connu de 1965 à 2004 un système d'imposition des dividendes distribués fondé sur le mécanisme, complexe, de l'avoir fiscal et du précompte. L'avoir fiscal permettait au contribuable de bénéficier d'un crédit d'impôt face au trésor égal à la moitié de la somme reçue au titre de dividende par le contribuable. Pour certains contribuables, et en particulier les contribuables personnes physiques, il était donc avantageux de qualifier « généreusement » un bénéfice distribué par la société à son égard de dividende et ainsi faire valoir l'avoir fiscal y afférant. L'absence de définition fiscale précise de la notion rendait la tache difficile pour les contribuables et l'administration fiscale. Le Conseil d'Etat exprime sa volonté de porter un coup d'arrêt cette « zone d'ombre » dans un arrêt rendu le 26 février 2001, en s'attachant à une définition empruntée au droit des sociétés.
En l'espèce, M. Anzalone exerce la fonction d'expert comptable dans la société anonyme Coti qui a pour objet la réalisation de travaux comptables et dont il est associé. L'assemblée générale extraordinaire se réunit le 30 septembre 1986 et décide une modification des statuts de la société ayant pour objet de corriger le mode de répartition des bénéfices entre les associés en intégrant au critère traditionnel de la proportion de chaque associé dans le capital social celui de l'apport d'affaires nouvelles par chacun des associés dans le résultat de la société. M. Anzalone reçoit donc au titre des trois années successives des sommes provenant de la société Coti réalisées selon cette clef de répartition; il les affecte fiscalement comme des dividendes. Mais l'administration remet en cause une telle affectation en contestant la nature de dividendes d'une telle somme et notifie un redressement à son encontre. Celui-ci conteste un tel rehaussement devant la cour d'appel de Lyon qui accueille sa demande en confirmant le caractère de dividendes des sommes reçues par le requérant. Le Ministre se pourvoit alors en cassation contre l'arrêt d'appel, mais il est débouté en dernier ressort par le Conseil d'Etat qui confirme l'arrêt d'appel.
Les sommes distribuées par une société à ses associés en vertu d'une décision de l'assemblée générale et conformément à une double clef statutaire de répartition fondé d'une part sur le nombre d'actions détenues par les associés et d'autre part le chiffre d'affaire apporté par chacun d'eux peuvent-elles être considérées comme des dividendes et ouvrir droit à l'avoir fiscal ?
Par cet arrêt, le Conseil d'Etat donne une définition de la notion de dividende à double tranchant : en en permettant l'ouverture à des répartitions statutaires effectuées par l'assemblée des actionnaires régulières selon le droit des sociétés, elle en consacre une certaine flexibilité (I.). Cependant, c'est du fait même de cet « emprunt » au droit des sociétés qu'elle entérine une acception restrictive de la notion (II.)
[...] On pourrait en effet avancer l'idée que le système de l'apport au chiffre d'affaire consistant à récompenser les associés en fonction du travail et des affaires qu'ils font faire à la société ne pèse pas sur l'impôt sur les sociétés (contrairement par exemple à un système de ristourne qui aurait eu pour effet de diminuer le bénéfice et donc l'impôt sur les sociétés). Le Conseil d'Etat accueille cependant la demande de contestation du redressement de M. Anzalone devant la Cour d'appel de Lyon : les sommes reçues sont bien la contrepartie des actions détenues par M. [...]
[...] Pour certains contribuables, et en particulier les contribuables personnes physiques, il était donc avantageux de qualifier généreusement un bénéfice distribué par la société à son égard de dividende et ainsi faire valoir l'avoir fiscal y afférant. L'absence de définition fiscale précise de la notion rendait la tache difficile pour les contribuables et l'administration fiscale. Le Conseil d'Etat exprime sa volonté de porter un coup d'arrêt cette zone d'ombre dans un arrêt rendu le 26 février 2001, en s'attachant à une définition empruntée au droit des sociétés. En l'espèce, M. [...]
[...] La restriction de la possibilité de se prévaloir de l'avoir fiscal Par cet arrêt, le Conseil d'Etat consacre une acception de la notion de dividende entièrement empruntée au droit des sociétés qui a pour conséquence de réduire son champ d'application (A.). Ce faisant, elle semble prendre acte d'une relative méfiance envers le mécanisme de l'avoir fiscal, prophétisant ainsi sa chute Une acception restrictive empruntée au droit des sociétés En l'espèce, le Conseil d'Etat se réfère directement et implicitement au droit des sociétés pour préciser la notion fiscale de dividende. [...]
[...] La prise en compte de la nécessité de limiter l'avoir fiscal Par cet arrêt, Le Conseil d'Etat semble prendre acte de la nécessité de ne pas trop étendre la notion de dividende. Implicitement, cela révèle une certaine méfiance envers le mécanisme de l'avoir fiscal. À l'époque où l'arrêt est rendu, le système est toujours en place mais commence néanmoins à se fragiliser, notamment sous l'influence de la Cour de Justice des Communautés européennes qui a rendu moins d'un an avant l'arrêt en question une décision condamnant comme incompatible avec le droit communautaire la condition selon laquelle la société distributrice du dividende devait se situer dans le pays qui met en place l'avoir fiscal, en l'espèce le Danemark (CJCE 6 juin 2000 Verkooijen). [...]
[...] Cependant, on peut supposer que la définition de la notion de dividende posée par l'arrêt du 26 février 2001 est toujours d'actualité aux fins de la qualification fiscale de la notion de dividende; cet arrêt conserve donc une portée non négligeable malgré l'abrogation de l'entier système de l'avoir fiscal et du précompte par la loi de finances pour 2004. Enfin, et à titre subsidiaire, cet arrêt illustre l'atténuation progressive, mais limitée, de l'autonomie du droit fiscal et le souci du juge de s'appuyer sur des concepts imaginés par d'autres branches du droit comme le droit comptable, le droit civil, et le droit des sociétés notamment[1]. [...]
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