En l'espèce, l'association Ekin –activiste basque- a publié une revue politique baptisée « Euskadi en guerre ». Le ministre de l'intérieur, pour des raisons tendant à la protection de l'ordre public, interdit par voie d'arrêté, le 28 avril 1988, la circulation, distribution et mise en vente de cette revue, sur le fondement de la loi sur la Presse (29 Juillet 1881) telle que modifiée par le décret-loi du 6 mai 1939.
L'association décide donc d'introduire un recours gracieux -le 1er juin 1988- auprès du ministre de l'intérieur tendant à l'abrogation de l'arrêté litigieux. Après un silence gardé par ce dernier pendant un délai de deux mois, l'association décide de saisir le tribunal administratif de Pau, d'une demande d'annulation de la décision de refus implicite d'abroger l'arrêté litigieux, ainsi que l'annulation dudit arrêté. Le 1er juin 1993, le tribunal administratif rejette le recours de l'association.
Aussi, le point contentieux se concentrait dans l'incompatibilité des dispositions législatives en cause avec les articles 10 et 14 de la CESDHLF. Ainsi, après avoir accueilli le pourvoi, le juge rejette les conclusions de l'association tendant à ce qu'il déclare inconventionnelles les dispositions législatives litigieuses, mais par ailleurs, fait droit à la demande de l'association, tout en remettant en cause sa jurisprudence antérieure.
[...] Il en résulte un bénéfice pour les administrés, voyant leurs garanties augmenter de manière significative La présente solution laissant néanmoins entrevoir toute la mauvaise foi du juge refusant de faire prévaloir la CESDHLF au profit de la loi nationale (CEDH) Un contrôle renforcé pour une plus grande effectivité des garanties des administrés Ce régime, institué par la loi sur la presse de 1881, donne un pouvoir de police au ministre de l'Intérieur, lui permettant de veiller au respect de l'ordre public et de la sécurité publique, par l'exercice du pouvoir de police des publications. Renforcer le contrôle de la qualification juridique des faits, en recherchant si les faits sont de nature à justifier la mesure renforce incontestablement les garanties des administrés. Effectivement, par un contrôle normal, le juge est plus enclin à censurer les décisions. La censure sera donc plus facilement obtenue que lorsque le juge l'exercice d'un contrôle restreint - se limitait à ne censurer que les erreurs les plus grossières. [...]
[...] L'intensité du contrôle en cassation, étroitement liée aux intérêts en présence et textes applicables au litige Force est de constater que le contrôle du juge administratif sur la qualification juridique des faits n'est pas toujours des plus simples à appréhender. Effectivement, le juge administratif semble moduler son contrôle en fonction non seulement du contentieux dont il est saisi, mais de manière plus précise, en fonction des intérêts en présence, comme de la relative latitude que laissent les textes à l'administration pour agir. [...]
[...] Mais l'intérêt de l'arrêt réside sans conteste dans l'approfondissement du contrôle de la qualification juridique des faits par le juge administratif dans le contentieux des interdictions de presse, manifestant ainsi une volonté de rendre compatible les dispositions de la loi sur la presse avec la CESDHLF. Si le juge administratif module son contrôle en fonction du contentieux dont il est saisi cette méthode vise en l'espèce avant tout à concilier la loi par une interprétation visant à la rendre compatible avec la CESDHLF (II). [...]
[...] A tel point que ce régime pourrait être considéré comme contraire à la convention. L'intervention du juge, par un contrôle plus poussé que le texte ne le laisse présager permet de continuer à appliquer ce texte, dont la conventionalité n'est pas certaine. Ainsi, la solution adoptée en l'espèce permet un renforcement de la liberté d'expression, tel qu'entendu au sens de la Convention, augmentant ainsi quelque peu son effectivité. Il semble néanmoins que la présente solution vise essentiellement à ne pas écarter l'application de la loi au profit de la Convention. [...]
[...] Une solution jurisprudentielle, permettant de concilier la disposition législative avec la CESDHLF Prise en compte des problématiques contemporaines de la CEDH, le régime français étant incompatible avec les dispositions de la convention. Le juge en l'espèce aurait très bien pu écarter l'application de la disposition législative litigieuse, au profit de la convention, si celle- ci se révélait être manifestement inconciliable avec la Convention (CE Ass 1989 Nicolo). Néanmoins, il décide d'interpréter la loi de manière à la rendre compatible avec la Convention, démontrant ainsi, la volonté de concilier les problématiques contemporaines du droit de Strasbourg, avec le droit interne en matière de mesure de police d'interdiction de presse. [...]
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