L'arrêt « M. R », du Conseil d'Etat du 9 avril 2008, est venu préciser les limites de la qualification de mesures d'ordre intérieur s'agissant des décisions de transfert des détenus.
Une décision est prise pour transférer un détenu, M. R, de la maison d'arrêt de Fresnes au centre de détention de Caen. La centrale étant une meilleure situation pour les détenus. Le détenu conteste son transfert en soutenant que l'établissement de Caen n'est pas adapté à son état de santé et que « cette détention constitue un traitement inhumain et dégradant ». Il saisit alors le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Ce dernier rejette sa demande par l'ordonnance du 19 juillet 2007, « au motif qu'une telle décision présentait le caractère d'une mesure d'ordre intérieur » et donc n'était « pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ».
Le Conseil d'Etat devait en premier lieu statuer sur la question relative au transfert d'un détenu d'un établissement à un autre, à savoir s'il est constitutif d'un acte administratif susceptible de recours. Si c'est le cas, dans quelles conditions ? Plus précisément, le transfert d'une maison d'arrêt vers un centre de détention peut-il faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ? Si oui, sous quelles réserves ?
[...] Ici, le Conseil d'État ne nous dit pas que les décisions concernant le service public pénitentiaire sont des mesures d'ordre intérieur, c'est-à-dire insusceptibles de recours, même si ce sont des décisions internes à l'administration. Il estime qu'une différence a lieu d'exister entre les différents transferts puisque les établissements pour peines (maisons centrales) et les maisons d'arrêt se caractérisent par des modalités d'incarcération différente ; la centrale étant une meilleure situation pour les détenus, puisqu'elle est destinée à accueillir les condamnés définitifs. [...]
[...] Les conditions de vie des détenus sont régulièrement dénoncées. La réserve selon laquelle il faut que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus consacre les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et celles de la Constitution. Les premières s'inspirent de l'article 6-1 de la CEDH posant le droit à un procès équitable, et l'article 13 relatif au droit à un recours effectif. De plus, la Cour européenne a rendu un certain nombre d'arrêts tendant à définir les droits et libertés fondamentaux appliquées dans cadre de la détention : par exemple le droit de tout prisonnier à être détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine Les secondes interdisent que des mesures portant une atteinte significative aux libertés garanties par elle, puissent échapper à tout contrôle juridictionnel Il apparaît clairement depuis quelques années une restriction de la portée des mesures d'ordre intérieur sur le terrain du service public pénitentiaire pour satisfaire à un souci de renforcer le droit des détenus. [...]
[...] Puis dans un second temps, le Conseil d'État a statué sur le fond de l'affaire, à savoir si le transfert de ce détenu, M. remettait en cause les libertés et les droits fondamentaux des détenus. Le juge a estimé que le changement d'affectation de la maison d'arrêt de Fresnes vers le centre de détention de Caen ne privait pas le détenu à l'accès aux soins nécessités par son état de santé, dès lors [ ] que le centre hospitalier universitaire de Caen, au sein duquel sera assuré son suivi médical, dispose d'un service adapté Par conséquent, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit. [...]
[...] Le Conseil d'État estime qu'une décision de changement d'affectation d'une maison centrale [ ] à une maison d'arrêt constitue un acte administratif susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et non une mesure d'ordre intérieur. Mais qu' il en va autrement des décisions d'affectation consécutives à une condamnation, des décisions de changement d'affection d'une maison d'arrêt à un établissement pour peines et des décisions de changement d'affectation entre établissements de même nature Il soulève un point important en émettant une réserve à ces mesures d'ordre intérieur, il faut que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus Sinon, la décision sera alors un acte administratif susceptible de recours et non une mesure d'ordre intérieur. [...]
[...] De plus, le juge avait, en 2007, eu à se prononcer à trois reprises sur les conditions relatives aux détenus, dont l'une d'elles s'agissait d'un changement d'affectation d'un détenu d'une maison centrale à une maison d'arrêt, (arrêt Ministre de la Justice contre M. Boussouar où il exprimait la même solution. Ces arrêts voient leur portée se prolonger dans l'arrêt M. R Le Conseil d'État a tranché la question de la recevabilité du recours dans l'affaire qui lui était soumise et surtout il s'est prononcé sur la catégorie de décisions à laquelle elle appartient. [...]
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