La question de définir la limite entre les mesures d'ordre intérieur et les mesures susceptibles d'être contrôlées par le juge administratif est complexe dans la mesure où ses conséquences, en particulier en ce qui concerne les décisions de l'administration pénitentiaire, peuvent être très importantes pour l'individu concerné.
L'arrêt ici étudié, rendu le 9 avril 2008 par le Conseil d'Etat, va nous permettre d'aborder cette question.
En l'espèce, le requérant M.Rogier conteste la décision du ministre de la Justice consistant à le transférer de la maison d'arrêt de Fresnes au centre de détention de Caen. Le juge des référés du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande de suspension de la mesure prise à son encontre, M. Rogier fait appel de cette décision devant le Conseil d'Etat. Le requérant fait valoir d'une part que ce transfert de la maison d'arrêt de Fresnes au centre de détention de Caen lui est défavorable dans la mesure où il estime que le centre de Caen n'est pas adapté à son état de santé, et d'autre part que ce transfert constitue un traitement inhumain et dégradant au sens de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
[...] Ainsi, la requête de M.Rogier est rejetée. Cet arrêt, qui s'inscrit dans une jurisprudence changeante concernant les actes susceptibles d'être déférés devant le juge administratif, et plus précisément en matière pénitentiaire, semble marquer une évolution, ou tout du moins suivre une volonté du juge administratif de clarifier sa jurisprudence en tentant de tracer une frontière, la plus précise possible, concernant les actes qui constituent des mesures d'ordre intérieur et donc insusceptibles de contrôle, et les actes pouvant être contestés en recours pour excès de pouvoir. [...]
[...] Le Conseil d'Etat, pour répondre à cette question, va apprécier la nature et l'importance des effets de la décision sur la situation du détenu. Ainsi, le juge administratif va rechercher une atteinte aux droits et libertés fondamentales du détenu pour statuer sur la recevabilité d'un recours en excès de pouvoir contre cette décision. Mais le juge, en relevant d'une part que la pathologie dont souffre le détenu est en phase de rémission et d'autre part, que son accès au soin ne serait pas mis à mal par ce changement, considère que la décision contestée ne met pas en cause les droits et libertés fondamentales du requérant. [...]
[...] Continuité CE Marie + CE Remli + CE décembre 2007, Boussouar. À noter que l'arrêt ici étudié est une confirmation de l'arrêt Boussouar, en ce qu'il reprend la classification posée par le CE en Une possible fin des incohérences jurisprudentielles en la matière En confirmant la jurisprudence Boussouar de 2007, qui avait marqué une volonté du JA d'une part de réduire le domaine des mesures d'ordre intérieur en matière pénitentiaire et d'autre part de prendre en compte les droits et libertés des détenus, le CE marque peut-être le début de la stabilité de la jurisprudence administrative en matière de décisions de changement d'affectation des détenus, et de façon plus générale en matière pénitentiaire. [...]
[...] (Voir CE mars 2003, Frérot : le CE a estimé que ne pouvait lui être déférée une mesure de placement à titre préventif dans une cellule disciplinaire). Un remède possible à l'insécurité juridique due à une jurisprudence instable du Conseil d'Etat 1. Une limite plus clairement tracée entre mesures d'ordre intérieur et mesures susceptibles de contrôle. Ainsi, l'administration pourra adapter son comportement, car la jurisprudence sera plus claire, même si une appréciation souveraine du juge administratif au cas par cas de l'atteinte ou non portée aux droits et libertés fondamentales ne permettra pas toujours une telle prévisibilité. [...]
[...] II - Une décision s'inscrivant dans la lignée jurisprudentielle en matière pénitentiaire Une meilleure protection des droits et libertés des détenus garantie par l'intervention du juge administratif 1. L'appréciation par le juge administratif des conséquences de la mesure sur l'individu. "En l'absence de mise en cause des droits fondamentaux de l'intéressé" . "constituait une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours" " la décision ( . ) qui avait pour effet de soumettre l'intéressé à un régime de détention correspondant à sa situation pénale". [...]
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