Même si l'entreprise individuelle n'a pas la personnalité juridique, elle n'en n'est pas moins dotée d'une personnalité comptable et d'une personnalité fiscale. Elle est le siège de calcul des impôts dus à raison de son activité, même si la qualité de redevable, c'est-à-dire celle de payeur, est reportée sur la tête de l'exploitant. En conséquence de quoi, le commerçant dont tenir une comptabilité et notamment établir un bilan retraçant l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise, au titre de l'article L. 123-12 du Code de Commerce. Ainsi, pour déterminer le bénéfice d'entreprise, il faut commencer par isoler d'un point de vue comptable et fiscal l'entreprise par rapport à son dirigeant, a fortiori pour les entrepreneurs individuels car ils exercent à la fois des activités privées et professionnelles. Il est donc nécessaire d'isoler leur activité personnelle pour dégager le bénéfice ou la perte que le contribuable réalise
En l'espèce, M. LE FORESTIER de QUILLIEN a fait l'objet d'une vérification de comptabilité couvrant notamment les années 1981 à 1983, ayant abouti à plusieurs redressements qui lui ont été notifiés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Ces redressements ont pour origine la remise en cause de l'inscription, à l'actif de l'entreprise du requérant, d'un navire ainsi que des charges afférentes tant sous la forme de dotations aux amortissements que de frais financiers liés à la rénovation du bâtiment. Cette inscription lui a permis de diminuer d'autant son impôt sur le revenu. De plus, les éléments constitutifs de l'entreprise individuelle de M. LE FORESTIER de QUILLIEN faisaient partie intégrante des biens de la communauté constituée avec son épouse car ils se sont trouvés placés sous le régime de l'indivision à la suite du jugement de séparation de corps prononcé par le tribunal de Grande Instance de Rouen le 19 janvier 1983. Or, l'avis de vérification de comptabilité et la notification de redressement dont il a fait l'objet n'ont pas été adressés à son épouse. M. LE FORESTIER de QUILLIEN souhaite voir les décisions tant du tribunal administrative que de la Cour administrative d'appel annulées en ce que le montant de son impôt sur le revenu au titre des années 1981 à 1983 doit être déterminé en déduisant des bénéfices industriels et commerciaux afférents à l'exploitation de son navire les amortissements calculés sur la base d'une valeur de 2 100 738 F, ainsi que les frais exposés pour l'exécution de la convention conclue par l'intéressé pour la rénovation dudit navire. Par ailleurs, le requérant souhaite, compte tenu de la situation d'indivision résultant du jugement de séparation des corps avec son épouse, que soit mise à la charge de cette dernière une partie de l'imposition lui ayant été assignée.
En première instance, le tribunal administratif de Rouen, dans un arrêt en date du 30 décembre 1992, a rejeté les conclusions de la demande de M. LE FORESTIER de QUILLIEN ayant trait à la déduction, au titre des années 1982 et 1983, des amortissements et des frais de rénovation de son navire. Le tribunal s'est fondé sur le fait que, compte tenu de son intention de revendre le navire, le requérant n'aurait pu inscrire celui-ci qu'en stocks à l'actif du bilan de son entreprise individuelle, de sorte que ce bien n'était pas amortissable. De plus, les juges de première instance ont également estimé que l'année 1981 ne pouvait donner lieu à aucun amortissement, ni à aucune déduction de charges car le navire, acquis par M. LE FORESTIER de QUILLIEN en 1978, n'a été inscrit au bilan de son entreprise individuelle qu'à compter du 31 décembre 1981. Enfin, le tribunal a considéré que M. LE FORESTIER de QUILLIEN n'était pas fondé à se prévaloir de la situation d'indivision ayant résulté du jugement de séparation des corps pour soutenir qu'une partie de l'imposition qui lui a été assignée au titre de l'année 1983 aurait dû être mise à la charge de son épouse.
En deuxième instance, la Cour administrative d'appel de Nantes a considéré que l'absence de preuve que le navire, acquis à titre personnel en 1978, avait été faite dans l'intérêt de l'exploitation de la société était de nature à justifier la décision de l'Administration fiscale visant à réintégrer, dans les résultats imposables de l'entreprise, au titre des exercices clos en 1981, 1982 et 1983, les amortissements que M. LE FORESTIER de QUILLIEN avait pratiqués sur la valeur du navire, ainsi que les frais qu'il avait exposés pour la rénovation de ce bâtiment.
Le problème de droit posé au Conseil d'Etat s'articulait en deux temps. D'une part, déterminer si un exploitant individuel a la faculté de comprendre dans les valeurs d'actif au bilan de son entreprise tout bien provenant de son patrimoine privé alors même qu'il ne concourt pas à l'exploitation. D'autre part, déterminer si l'indivisaire peut faire l'objet de vérification de comptabilité et de notification de redressement sur des biens indivis dont il se trouve exclu de la jouissance.
Au moyen de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat bénéficie de la possibilité de régler l'affaire au fond lorsque les circonstances de l'espèce l'exigent. A ce titre, censurant la position défendue par la Cour administrative d'appel de Nantes, la Haute Juridiction Administrative, estime dans un considérant qui a toutes les formes d'un considérant de principe, que « lorsqu'une entreprise est exploitée par une personne physique, celle-ci a la faculté de comprendre dans les valeurs d'actif au bilan de l'entreprise, tout bien provenant de son patrimoine privé alors même que ce bien ne concourrait pas à l'exploitation ». Par conséquent, rien n'empêche un propriétaire d'inscrire à l'actif immobilisé de son entreprise industrielle un navire dont il compte faire un élément d'exploitation dans le futur et ainsi de déduire les amortissements et les frais de rénovation à compter de cette inscription.
Par ailleurs, les magistrats du Conseil d'Etat s'attachent à détailler la procédure d'imposition lorsque les éléments constitutifs d'une entreprise individuelle faisant partie d'une communauté conjugale, se sont trouvent placés sous le régime de l'indivision à la suite d'un jugement de séparation de corps. A ce titre, l'avis de vérification de comptabilité et la notification de redressement peuvent n'être adressés qu'au mari s'il a seul la qualité d'exploitant de l'entreprise.
Si l'arrêt du Conseil d'Etat s'inscrit dans la continuité jurisprudentielle ayant statué sur la primauté du principe de liberté d'affectation comptable dont l'administration fiscale n'a pas à discuter le bien fondé, il constitue néanmoins un éclaircissement quant aux modalités tant d'amortissement des immobilisations que de déductions des charges et intérêts d'emprunt y afférents (I). Par ailleurs, le Conseil d'Etat s'emploie à délimiter précisément la situation fiscale de l'indivisaire en fonction de sa participation à l'activité de l'entreprise indivise (II).
[...] Ainsi, la qualité de coexploitant ne saurait appartenir qu'à ceux de ses coïndivisaires qui jouissent des biens indivis. A ce titre, la décision est intéressante en tant qu'elle se prononce sur la régularité d'une vérification de comptabilité et d'une notification de redressement dans le cas où l'entreprise appartient aux membres d'une indivision. La notification de l'avis de vérification et de la proposition de redressements doit normalement être faite à chaque coïndivisaire, chacun d'eux étant redevable de l'impôt et réputé coexploitant (CE avril 1991, rec. M. [...]
[...] G. Schmeltz; - 9 oct req. 70 111: Dr. fisc 43, comm. 1136; - 5 oct req. 4 718: RJF 11/77, 586; - 14 oct req. 61 718: Dr. [...]
[...] Conseil d'État 8 septembre 1999 Même si l'entreprise individuelle n'a pas la personnalité juridique, elle n'en n'est pas moins dotée d'une personnalité comptable et d'une personnalité fiscale. Elle est le siège de calcul des impôts dus à raison de son activité, même si la qualité de redevable, c'est-à-dire celle de payeur, est reportée sur la tête de l'exploitant. En conséquence de quoi, le commerçant dont tenir une comptabilité et notamment établir un bilan retraçant l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise, au titre de l'article L. [...]
[...] II) La situation fiscale de l'indivisaire selon sa participation à l'activité de l'entreprise indivise Le coindivisaire ne participant pas à l'exploitation de l'entreprise indivise n'est pas censé se voir adresser l'avis de vérification de comptabilité et la notification de redressement, exclusivement réservé à l'exploitant Or, c'est précisément ce dernier qui peut se prévaloir du principe de liberté d'affectation dont il faudra toutefois préciser les contours et plus spécifiquement les tempéraments dont il pourrait faire l'objet La situation juridique de l'indivisaire exclu de la jouissance des biens indivis Le Code général des impôts ne détermine pas le régime fiscal de l'entreprise indivise et il incombe donc au juge fiscal la tâche de définir les modalités d'application de ce dernier. Lorsque des biens indivis sont affectés à l'exploitation d'une entreprise, la situation fiscale des indivisaires doit normalement être définie en considération de leur seule qualité de membre de l'indivision. A ce titre, il est de jurisprudence constante que chaque coïndivisaire, du fait même de cette qualité, acquiert également celle de coexploitant au regard de la loi fiscale sect juin 1978, 4834 : Dr. [...]
[...] Loloum. - CAA Bordeaux mai 1998, req. 95-1456 et req. 95-1476, M. Heeter : Dr. fisc 49, comm. 1097). [...]
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