L'arrêt du 8 mars 2008 est l'occasion de mettre fin aux hésitations jurisprudentielles, en reconnaissant, une fois pour toutes, que les mesures d'ordre intérieur ne font pas obstacle à ce qu'une circulaire impérative fasse l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. En l'espèce, le ministre de l'éducation nationale avait publié, le 19 octobre 2004, une circulaire relative à l'organisation des procédures disciplinaires dans les établissements publics locaux d'enseignement. Contestant la légalité de la mesure, la fédération des conseils de parents d'élèves saisit alors le Conseil d'Etat d'un recours pour excès de pouvoir.
La circulaire du 19 octobre 2004 est-elle légale, autrement dit, méconnait-elle les principes de légalité et de proportionnalité des peines ainsi que celui de la présomption d'innocence ? Afin de répondre cette question, le juge devra préalablement vérifier si le pourvoi dirigé contre la circulaire est bien recevable.
[...] (CE., 07/02/36, Jamart ; CE., Ass juin 2000, Association Choisir la vie et autres). Le juge semble enfin considérer que la punition collective et le travail supplémentaire ne portent pas atteinte aux principes de proportionnalité des peines et de présomption d'innocence puisque que, contrairement à ce que soutenait l'association, ces mesures ne sont pas destinées à frapper indifféremment l'ensemble des élèves de la classe, mais s'appliquent soit, à un groupe d'élèves précisément identifiés qui perturbent le fonctionnement de l'enseignement soit, à chacun si la perturbation s'étend à l'ensemble de la classe Ces punitions viseraient donc des élèves clairement désignés, et seraient adaptée à chacun d'eux de manière individuelle et personnelle. [...]
[...] Le Conseil d'Etat se fonde ainsi exclusivement sur le caractère impératif de la circulaire pour justifier la recevabilité du recours. Il ne reste, dès lors, plus qu'à apprécier la légalité de la mesure contestée. La reconnaissance du caractère régulier de la mesure contestée Un arrêt du 30 juillet 2003 (CE juillet 2003, Association Avenir de la langue française) prévoyait ainsi que le recours formé à l'encontre (d'une circulaire impérative) ne devait être accueilli que si les dispositions prévues pas cette dernière fixaient, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ( s'il était soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivaient d'adopter, soit méconnaissait le sens et la portée des dispositions législatives et règlementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitérait une règle contraire à une norme supérieure En l'espèce, les requérants contestaient, non seulement, la compétence du ministre de l'Éducation nationale, mais également les dispositions de la circulaire au motif que celles-ci méconnaissaient les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. [...]
[...] Un attachement évident au contenu de l'acte administratif En effet, il n'est pas exclut qu'une circulaire même impérative puisse ne pas faire grief en raison de son contenu. En l'espèce, il était ainsi précisé que l'acte attaqué portait sur des mesures d'ordre intérieur, c'est-à-dire, des mesures ayant pour but d'assurer un certain ordre au sein du service public en règlementant le fonctionnement et l'organisation interne de celui-ci Mais si ces mesures ont effectivement des répercussions sur la situation des agents, voir même, sur celle des usagers du service public, leur portée reste néanmoins très faible. [...]
[...] Le Conseil d'Etat est toutefois revenu sur ses positions au début des années 90. Ce dernier s'estime désormais compétent, non seulement, pour contrôler la légalité des règlements en matière scolaire (CE., 02/11/92, Kherouaa), mais également en milieu militaire (CE., Ass, 17/02/95, Hardouin), et carcérale (CE., Ass, 17/02/95, Marie). Le juge est même allé jusqu'à dégager deux critères afin de déterminer si une sanction disciplinaire devait être regardée comme faisant grief. Il fallait d'une part que la sanction porte sensiblement atteinte à des droits et libertés protégés, et d'autre part qu'elle entraîne des conséquences sur les perspectives de carrière de la personne concernée Ces deux critères ne sont pas cumulatifs, mais complémentaires. [...]
[...] Ces différentes mesures n'étaient, à l'origine, que des actes purement indicatifs visant à commenter ou interpréter certains textes législatifs et règlementaires. Elles étaient, à ce titre, dépourvues de tout caractère décisoire et ne pouvaient, par conséquent, pas être attaquées devant le juge de l'excès de pouvoir. Pourtant, confronté dès le début des années 1950 à la prolifération de ces mesures, le juge administratif a finalement décidé de soumettre tout ou partie des circulaires à son contrôle. L'arrêt Institution Notre Dame du Kreisker (CE., Ass., 29/01/54) tient ici une place fondamentale puisque le Conseil d'Etat va, pour la première fois, opérer une distinction entre les circulaires interprétatives à caractère non décisoire, c'est-à-dire, les instructions venant éclairer le sens d'un texte, et les circulaires dites règlementaire, c'est-à-dire, les mesures ajoutant de nouvelles dispositions aux textes législatifs et règlementaires en vigueur. [...]
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