Par les arrêts Sarran (30 octobre 1998) et Syndicat national de l'industrie pharmaceutique (3 décembre 2001), le Conseil d'Etat avait affirmé la primauté de la Constitution sur le droit communautaire. Ainsi, il devrait logiquement pouvoir procéder à un contrôle de constitutionnalité des actes règlementaires de transposition d'une directive communautaire. Toutefois, les décrets de transposition se bornant souvent à reprendre à l'identique les dispositions des directives, un tel contrôle revient à contester, indirectement, la constitutionnalité de la directive elle-même – acte qui émane d'une autorité autre que l'autorité nationale. Une telle compétence du Conseil d'Etat n'est donc pas si évidente ; il s'agit ici bien de concilier la primauté de la Constitution dans l'ordre interne, garantie pour les actes réglementaires par le Conseil d'Etat, et la participation de la France aux Communautés Européennes.
En l'espèce, le décret du 19 août 2004 transposait, pour les dispositions de matière règlementaire, la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établissant un système d'échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté européenne, prise en application du Protocole de Kyoto. Les entreprises Arcelor Atlantique et Lorraine, et autres, prétendant que ce décret méconnaissait certains principes à valeur constitutionnelle, émirent une requête auprès du président de la République et des ministres compétents, tendant à l'abrogation d'article 1 de ce décret. Les autorités saisies gardant le silence, la société Arcelor décida le 15 novembre 2005 d'émettre une requête auprès de la section du contentieux du Conseil d'Etat, afin, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions implicites de rejet de sa requête, et d'autre part, d'enjoindre aux autorités administratives d'abroger l'article 1 de ce décret. La requête étant dirigée contre un décret, le Conseil d'Etat statua en premier et dernier ressort, et décida de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) se prononce sur la validité de la directive 2003/87/CE.
[...] S'ouvrent alors deux possibilités. Si, à l'issue de cette phase de recherche, il appert qu'il n'existe pas d'équivalent communautaire au principe constitutionnel invoqué, alors il revient au juge administratif d'examiner directement la constitutionnalité des dispositions règlementaires contestées C'est donc le cas d'un principe constitutionnel spécifique à la France (puisque ne connaissant pas d'équivalent communautaire), pour lequel le Conseil d'État reprend la solution du Conseil constitutionnel : il effectue un contrôle de constitutionnalité direct de la directive. Si celle-ci ne s'avérait pas conforme au principe invoqué, l'acte règlementaire de transposition serait donc écarté. [...]
[...] C'est en premier lieu le juge administratif qui intervient. Avant toute chose, signalons que le juge administratif a naturellement en charge un contrôle portant sur la légalité externe de l'acte règlementaire, ce qu'il rappelle dans le considérant de principe si le contrôle des règles de compétence et de procédure ne se trouve pas affecté, Par la suite, le juge administratif se doit de vérifier que les dispositions de la directive que l'acte règlementaire se borne à recopier sont précises et inconditionnelles. [...]
[...] Ce sont ces modalités que nous examinerons dans une seconde partie. Ainsi, le Conseil d'État retient deux fondements constitutionnels au contrôle de constitutionnalité indirect (car s'effectuant par le biais d'un acte règlementaire de transposition) des directives communautaires. Plus encore, la reconnaissance cette compétence nouvelle est aussi rendue possible par une invitation implicite du Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence récente. La reprise d'une jurisprudence récente du Conseil constitutionnel En 2006, le Conseil constitutionnel développa une nouvelle jurisprudence, invitant implicitement le Conseil d'État à effectuer un contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires de transposition d'une directive communautaire. [...]
[...] Le second fondement constitutionnel retenu par le Conseil d'État est l'article 88-1 C. En effet, le Palais-Royal considère qu'une obligation constitutionnelle de transposition des directives découle de l'alinéa premier de cet article, selon lequel La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences En cela, il reprend une jurisprudence récente du Conseil constitutionnel. En effet, dans sa décision 2004-496 DC du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel fit pour la première fois une lecture juridique de cet article 88-1, alors même que ses rédacteurs l'avaient conçu comme un article à caractère purement politique, de présentation générale du Titre XV (député A. [...]
[...] Nous verrons tout d'abord que le contrôle de constitutionnalité des actes règlementaires de transposition des directives communautaires est une nouvelle compétence du Conseil d'État, puis nous étudierons les modalités de ce contrôle. Le contrôle de constitutionnalité des actes règlementaires de transposition des directives communautaires : une nouvelle compétence du Conseil d'État La reconnaissance de cette nouvelle compétence aboutissant de facto à l'abandon de la théorie dite de la directive-écran par le Conseil d'État (la directive ne fait plus écran entre l'acte règlementaire et la Constitution) a une double cause. [...]
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