Arrêt du 4 octobre 2019, arrêt Société Alliance, contrats administratifs, théorie de l'imprévision, DSP Délégation de Service Public, marchés publics, autorité de la chose jugée, contentieux contractuel, économie du contrat, article 1355 du Code civil, responsabilité de l'État, indemnité d'imprévision, arrêt Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux, équilibre du contrat, arrêt SA Dragage et Travaux publics
Alors que « la théorie de l'imprévision propose de modifier le contrat de manière à soulager le créancier surchargé par les circonstances » au sein du droit civil, elle connaît son pendant au sein des contrats administratifs, puisque « la théorie de l'imprévision s'applique aux marchés publics en général », ainsi que le rapporte la décision du Conseil d'État du 19 février 1992, SA Dragage et Travaux publics. Toutefois, la théorie de l'imprévision est, en droit, une constante des marchés publics depuis plus d'un siècle, via la décision inaugurale en la matière du Conseil en date du 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux. De fait, l'imprévision au sein des contrats administratifs, et des marchés publics plus largement, est au fondement du raisonnement articulé par le Conseil d'État dans sa décision du 4 octobre 2019, Société Alliance, et plus particulièrement sur le contentieux des marchés publics en lien avec la procédure de substitution des motifs substantiels (substitution jugée litigieuse par la société Alliance) par la Cour administrative d'appel de Bordeaux. Dans cette décision, le contentieux oppose la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon, représentée par le préfet, et la société Alliance, laquelle était dépositaire d'un marché public sous la forme d'une délégation de service public (DSP).
[...] Conséquence directe de cette opération de disjonction, le Conseil d'État statue en appréciant restrictivement cette dernière, ce qui n'est pas, en l'espèce, au profit de la société requérante : le motif de fond, pour le Conseil d'État, n'est donc pas, contrairement à ce qu'affirme la société requérante, la caractérisation de jure de l'imprévision d'espèce, mais bien la continuation ou la non-continuation du contrat administratif dans le cadre de la DSP. C'est dans ce dernier cadre que s'est prononcée la Cour administrative d'appel et le Conseil d'État considère que non seulement elle l'a fait de bon droit, mais que c'est cette question qui représente la substance éminente de la décision au sein du contentieux des marchés publics. [...]
[...] En effet, le Conseil d'État reconnaît que bien que le motif d'imprévision soit à rejeter, « la société n'avait pas invoqué à titre subsidiaire, pour solliciter une indemnisation au titre des pertes cumulées pendant la période d'exécution du contrat au cas où l'indemnité demandée sur le fondement de la théorie de l'imprévision ne serait pas retenue, l'existence d'une faute de l'Etat dans l'établissement de la convention du fait du caractère erroné des prévisions de trafic données aux candidats pour établir leur offre ». [...]
[...] La société requérante Alliance avance ici comme motif de pourvoi le viol supposé de l'autorité de la chose jugée qu'aurait commis la Cour administrative d'appel de Bordeaux par rapport au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, alors que le tribunal administratif avait annulé la décision préfectorale de déchéance de la délégation de service public, il avait dans le même temps pris parti pour une résiliation de cette même délégation par voie judiciaire. C'est ce point que rejette directement la société requérante : en effet, cette dernière « sollicitait la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant des conditions dans lesquelles la délégation de service public avait été exécutée et pris fin ». [...]
[...] Cette lecture n'est toutefois pas sans poser question dans l'interprétation générale de la théorie de l'imprévision. Elle démontre que la décision d'espèce provoque une certaine discontinuité au sein de l'application et de la compréhension traditionnelle d'une jurisprudence ancienne et qui a pourtant fait consensus dans son interprétation depuis plus d'un siècle. II. L'évaluation sur le long terme du concept opératoire de la théorie de l'imprévisibilité au sein des contrats administratifs Le Conseil d'État n'en est toutefois pas moins exempté de critiques qui peuvent le toucher dans son interprétation de la notion per se d'« imprévision » mais de façon plus extensive, sur celle d'« économie du contrat » A. [...]
[...] Dès lors se pose la question, pour le Conseil d'État, de lier questions de procédure et de fond sur la portée contemporaine, en droit des contrats administratifs, de la théorie de l'imprévision. Dans un premier temps, la question de procédure sur la substitution des motifs au sein d'un contentieux de marché public est abordée via l'angle du requérant et des tribunaux administratifs (tribunal, Cour administrative d'appel et Conseil d'État) sur la notion d'autorité de la chose jugée Le second temps s'appesantit davantage sur la question de fond qu'est la prise de conscience de la restriction de la portée de la notion d'imprévision au sein des contrats administratifs, ce qui n'est pas sans interroger sur la pertinence d'une évaluation sur le long terme de ce concept opératoire au sein du contentieux administratif (II). [...]
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