Prostitution, acte sexuel, Médecin du Monde, Conseil d'Etat, achat d'actes sexuels, consentement, vie privée, dignité humaine, juge administratif, intérêt générale, libertés publiques, Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, traite des êtres humains, politique abolitioniste, marge d'appréciation, ingérence excessive, requérants, accords internationaux, relations sexuelles tarifées, Cour européenne des Droits de l'Homme, droit à la vie privée
Dans cette affaire, le juge administratif, garant du contrôle de conventionnalité de loi, va être poussé à se prononcer sur l'équilibre entre la protection des libertés publiques et le maintien de l'ordre public. En effet, la genèse de cette question tient dans l'adoption par le parlement d'une loi le 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le « système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ». Cette loi prévoit que « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération […] est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe » (article 611-1 du Code pénal). Autrement dit, cette loi réprime de manière générale l'achat d'actes sexuels, y compris entre adultes consentants et agissant dans l'espace privé.
[...] Dans ce cas précis, il ne peut avoir l'intervention de quelconque autorité pour la régulation de cette pratique, car celle-ci entre dans le champ du droit à la vie privée, et c'est justement ce que soutiennent les requérants. En effet, ceux-ci estiment que : « le décret litigieux serait illégal comme pris sur le fondement de dispositions législatives qui seraient incompatibles avec les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme selon lequel : "Toute personne a le droit au respect de sa vie privée [ . [...]
[...] ] ou à la protection des droits et libertés d'autrui », le Conseil d'État estime que l'interdiction de l'achat d'actes sexuels permet la protection de la dignité humaine, et ainsi la « protection des droits et libertés d'autrui ». En somme, le Conseil d'État a donc la possibilité d'apprécier lui-même l'étendue du droit à la vie privée, garantie par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme grâce au principe de subsidiarité. Celui-ci conférant une « marge d'appréciation nationale » aux États signataires de la Convention EDH, du moment que ceux-ci respectent le principe de proportionnalité (Cumpana et Mazare Roumanie décembre 2004 : « il incombe à la Cour de déterminer si les motifs invoqués par les autorités nationales pour justifier l'ingérence apparaissent "pertinents et suffisants" et si la mesure incriminée était "proportionnée aux buts légitimes poursuivis" »). [...]
[...] C'est ce point qui est contesté par les requérants, Médecin du Monde et Autres, au titre que l'interdiction d'achats d'actes sexuels entre personnes consentantes et agissant dans le domaine privé, constitue, selon eux, une violation du droit à la vie privée. Dans son sens le plus large, le droit à la vie privée désigne la possibilité pour un individu de préserver du regard d'autrui l'ensemble de ses activités qui relèvent de son intimité (vie sentimentale, mœurs, état de santé, pratique religieuse, loisirs . [...]
[...] contre Belgique, la Cour européenne des droits de l'Homme précise que « l'article 8 de la Convention protège le droit à l'épanouissement personnel, que ce soit sous la forme [ . ] de l'autonomie personnelle. Le droit d'entretenir des relations sexuelles découle [ . ] de la notion d'autonomie personnelle. À cet égard, "la faculté pour chacun de mener sa vie comme il l'entend peut également inclure la possibilité de s'adonner à des activités perçues comme étant d'une nature physiquement ou moralement dommageables" ». Autrement dit, la prostitution n'apparait pas contraire au principe de la dignité de la personne humaine du moment que celle-ci est consentie et exercée sans contrainte. [...]
[...] Il est intéressant de remarquer que le Conseil d'État fonde sa décision avec celle du Conseil Constitutionnel, en témoigne la présence dans les visas de « la décision du Conseil constitutionnel n°2018-761 du 1[er] février 2019 ». De cette manière, que cela soit le Conseil d'État ou le Conseil Constitutionnel, tous deux arrivent à la même conclusion : « le choix de prohiber la demande de relation sexuelle tarifée [ . ] repose sur le constat [ . ] que dans leur très grande majorité les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite d'êtres humains [ . [...]
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