La décision du 7 février 2003 évoque le décret-loi du 6 mai 1939 relatif au contrôle de la presse étrangère, modifiant l'article 14 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Alors qu'en 1997, le CE estimait que le décret de 1939 accordant un pouvoir large et absolu au ministre de l'Intérieur n'était pas incompatible avec la CESDH, en 2001 le recours devant la CEDH a conduit à l'incompatibilité entre les dispositions du décret et celles de la CESDH. C'est ainsi que l'association GISTI a demandé dès 2001 au premier ministre d'abroger le décret de 1939 au motif que les circonstances de droit entre la création du décret et la date de la demande justifiaient une telle abrogation. Face au silence de plus de deux mois et donc au refus implicite du gouvernement, le GISTI a porté un recours devant le CE pour faire annuler la décision implicite de rejet du gouvernement. Cet arrêt marque un revirement de jurisprudence en ce qu'il annule le refus implicite du premier ministre et oblige de surcroît ce dernier à abroger les dispositions de la loi de 1881 issues du décret de 1939.
Dans quelle mesure le juge administratif parvient-il à concilier son pouvoir de contrôle de plus en plus étendu avec une volonté de se conformer à la jurisprudence de la CEDH ?
[...] Commentaire d'arrêt: CE février 2003, GISTI (2005) Il y a tout juste deux ans, l'embrasement des banlieues a conduit le gouvernement à donner un pouvoir discrétionnaire aux préfets quant à l'instauration d'un couvre-feu dans les grandes villes, pouvoir vivement critiqué pour son utilisation opportune et surtout pour l'ancienneté du décret accordant ce pouvoir (décret pris pendant la guerre d'Algérie qui est resté en vigueur). La question posée au CE deux ans auparavant reprend ces considérations de retrait, d'abrogation et d'annulation de certains actes. [...]
[...] En 1989 la jurisprudence Alitalia avait déduit que l'administration avait l'obligation de retirer un acte réglementaire sans contrainte de délais de recours si ce dernier était illégal (devenu un principe général de droit). En l'espèce, l'abrogation d'un règlement illégal résulte de circonstances de droit ou de fait postérieurs donc l'abrogation est OBLIGATOIRE lorsque l'acte réglementaire est illégal à l'origine ou s' il l'est devenu. En matière d'acte réglementaire, il faut que les circonstances de droit aient réellement changées et permettent l'annulation de la décision de refus d'abroger. [...]
[...] Dans quelle mesure le juge administratif parvient-il à concilier son pouvoir de contrôle de plus en plus étendu avec une volonté de se conformer à la jurisprudence de la CESH? Alors que le juge doit faire face à un décret partiellement illégal pour lequel il doit mettre en œuvre l'étendue de son contrôle il se voit face à l'influence de la jurisprudence de la CEDH et à l'incompatibilité du décret avec la CESDH ( II) I. Le refus d'abrogation du Premier Ministre, contrecarré par le contrôle du juge administratif en constante évolution L'abrogation de la décision de refus d'abroger semble obligatoire et va être mise en œuvre par le pouvoir étendu et évolutif du JA en matière de contrôle de l'administration et notamment concernant les publications étrangères A. [...]
[...] Il faut comprendre que le principe de liberté de presse a valeur constitutionnelle puisqu'il découle de la DDHC dans son article 11. Aussi à l'époque il est normal de se demander si le CE n'aurait pas dû faire un renvoi préjudiciel et surseoir à statuer car il empiétait à l'époque sur le domaine du Conseil Constitutionnel. L'arrêt GISTI 2003 remet les choses au clair car cette fois le CE rejoint l'avis de la CEDH en substituant la liberté d'expression à celle de la presse ce qui permet de soustraire la nature constitutionnelle du contrôle. [...]
[...] Le CE a donc écarté ce moyen déclarant que la ratification doit être explicite et clairement exprimée par le Parlement (en accord avec la décision de 1972 CC). La reconnaissance de la valeur réglementaire comme nous l'avons vu permis d'obliger le Premier Ministre d'abroger le décret, mais aussi permis au CE de contrecarrer toute tentative de revirement en matière de constitutionnalité des lois. II. L'illégalité du décret, gage de son incompatibilité avec la CESDH : dénoncée par la jurisprudence de la CEDH et confirmée par le JA Alors que le CE a fait son possible pour se conformer à la CESDH pour contrer le refus du ministre basé sur des considérations politiques ce respect de la CESDH parait d'autant plus important qu'il résulte d'un équilibre entre impératifs étatiques et liberté d'expression ou dit plus simplement, de priorités divergentes entre les deux institutions. [...]
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