La Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (CESDH) a été signée le 4 novembre 1950 dans le cadre du Conseil de l'Europe, mais la France a attendu 1974 pour la ratifier. La Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) a été instituée en 1959, il s'agit d'une juridiction supranationale compétente pour constater la violation par un Etat signataire de la CESDH d'un droit une d'une liberté consacré par la Convention.
L'instauration de la CEDH a apporté une nouvelle dimension au débat qui animait la doctrine : alors que la question de conformité du droit interne au droit international avait été réglée par l'arrêt Nicolo de 1989, c'est la question de la conformité des décisions des juges nationaux aux décisions rendues par la CEDH qui est venue s'y substituer.
Dans un arrêt rendu par les 9ème et 10ème sous-sections réunies le 7 février 2003,le Conseil d'Etat semble apporter une ébauche de réponse.
En l'espèce, la décision concerne le décret-loi du 6 mai 1939 relatif au contrôle de la presse « étrangère » qui est venu modifier l'article 14 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. En 1997, le CE a estimé que ce décret qui accordait de larges pouvoirs au ministre de l'intérieur n'était pas incompatible avec les articles 10 et 14 de la CESDH (CE Sect. 9 juillet 1997). L'affaire a fait l'objet d'un recours devant la CEDH qui a conclu à l'incompatibilité des dispositions du décret et de la Convention (CEDH 17 juillet 2001). L'association GISTI a donc saisi le Gouvernement dès le mois de novembre 2001, elle demandait l'abrogation du décret-loi de 1939. Face au silence du Premier ministre pendant plus de deux mois, le GISTI a saisi le CE. Dans son arrêt du 7 février 2003, le Conseil d'Etat opère un revirement de jurisprudence au regard de sa décision de 1997 : il annule le refus du Premier ministre pour violation de l'article 10 de la CESDH. Le juge administratif va même plus loin : il enjoint au Premier ministre de procéder à l'abrogation des dispositions de l'article 14 de la loi de 1881 issues du décret de 1939. C'est d'ailleurs ce que M. Raffarin a fait par le décret du 4 novembre 2004.
Cette décision est venue animer le débat sur la hiérarchie des normes :
L'arrêt du 7 février 2003, s'il pose clairement la question de la soumission de la jurisprudence interne aux décisions de la CEDH, n'opère-t-il pas implicitement un revirement de jurisprudence en matière de contrôle de la constitutionnalité des lois par le juge administratif ?
Force est de constater qu'à la lecture de cet arrêt qui semble a priori ne traiter que de la question de la soumission de la jurisprudence du CE aux décisions rendues par la CEDH (I), la question du contrôle de la constitutionnalité des lois par le juge administratif qui semblait pourtant être réglée est pourtant sous-jacente (II).
[...] Cette décision est venue animer le débat sur la hiérarchie des normes : L'arrêt du 7 février 2003, s'il pose clairement la question de la soumission de la jurisprudence interne aux décisions de la CEDH, n'opère- t-il pas implicitement un revirement de jurisprudence en matière de contrôle de la constitutionnalité des lois par le juge administratif ? Force est de constater qu'à la lecture de cet arrêt qui semble a priori ne traiter que de la question de la soumission de la jurisprudence du CE aux décisions rendues par la CEDH la question du contrôle de la constitutionnalité des lois par le juge administratif qui semblait pourtant être réglée est pourtant sous-jacente (II). [...]
[...] Vers un contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois ? De nombreuses justifications ont été apportées au refus du juge administratif de contrôler la conformité des lois à la Constitution. Alors que la loi des 16 et 24 août 1790 aurait pu suffire à expliquer la position du CE, la création du Conseil Constitutionnel en 1958 est venu consacrer ce refus. La remise en cause de ce principe aurait de telles conséquences qu'il convient d'analyser l'arrêt du 7 février tant sur le fond que sur la forme pour comprendre que le Conseil d'Etat n'a pas entendu y opérer un revirement de jurisprudence sur ce point La substitution de la liberté d'expression à la liberté de la presse Alors qu'en 1997 le CE avait estimé que le pouvoir ainsi exercé ( ) par le ministre de l'intérieur n'est pas ( ) incompatible avec les stipulations combinées des articles 10 et 14 de la CESDH en 2003 il n'a fondé sa décision que sur l'article 10 de la Convention. [...]
[...] C'est à la lecture des motifs de la décision que l'on peut comprend que CE ne s'est pas implicitement reconnu compétent pour connaître de la constitutionnalité des lois. En effet, il convient de lire cette décision à la lumière de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et de la décision Ekin de 1997. Dans sa décision Ekin de 1997, le CE s'était prononcé sur la conformité de l'article 14 de la loi de 1881 à la liberté de la presse alors que la CEDH s'était elle prononcé sur la conformité de ces mêmes dispositions à la liberté d'expression. [...]
[...] Force est de constater que la décision de la CEDH n'a eu aucun impact en l'espèce puisque le commissaire du gouvernement est toujours admis à prendre part au délibéré. L'arrêt GISTI rendu par le CE réuni en assemblée du contentieux le 29 juin 1990 est venu conférer au juge administratif de plus larges pouvoirs dans la recherche de la conciliation des préoccupations parfois divergentes soulignées par M. Labetoulle. En effet, le CE est à présent compétent pour interpréter les normes internationales. On comprend donc que les interprétations du juge administratif et celles de la CEDH ne coïncident pas toujours. [...]
[...] Conseil d'Etat février 2003, Gisti La Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (CESDH) a été signée le 4 novembre 1950 dans le cadre du Conseil de l'Europe, mais la France a attendu 1974 pour la ratifier. La Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) a été instituée en 1959, il s'agit d'une juridiction supranationale compétente pour constater la violation par un Etat signataire de la CESDH d'un droit une d'une liberté consacré par la Convention. [...]
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