En l'espèce, M. A, né en Côte d'Ivoire, avait suivi 3 ans d'études à Abidjan à l'institut d'odontostomatologie. Dans le cadre d'un accord passé entre cet institut et l'université de Montpellier I, il a pu y étudier en quatrième et cinquième année, au terme desquelles un jury lui a accordé le grade de docteur en chirurgie dentaire. L'institut d'Abidjan lui a ensuite décerné le même diplôme, en vertu de l'accord passé avec Montpellier I. M. A a poursuivi ses études et a obtenu à Montpellier d'autres diplômes en chirurgie dentaire.
Il a acquis la nationalité française en 2003, et a été inscrit au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes de l'Isère afin de travailler en tant que salarié. Il a ensuite demandé à être inscrit au tableau de l'ordre de l'Hérault pour s'établir en tant que professionnel libéral, mais le conseil départemental de l'Isère a refusé aux motifs que son diplôme ne satisfaisait pas aux conditions requises, et l'a rayé de l'ordre des chirurgiens-dentistes en 2006. M. A estimait qu'il y avait là une injustice, puisqu'il avait déjà été inscrit au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes et qu'entre cette inscription et sa nouvelle demande d'inscription, ses diplômes n'avaient pas changés.
Il a donc attaqué cette décision devant le conseil régional de Rhône-Alpes, qui l'a maintenue en septembre 2006 ; puis devant le conseil national de l'ordre, qui l'a également confirmée. M. A a alors formé un recours en excès de pouvoir contre la décision du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, et le Conseil d'État était compétent pour connaître de ce recours. Ici, le fait de savoir si la décision d'inscrire M. A au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes était créatrice de droits ne s'est pas posée, tant la réponse était évidente.
Dès lors, on peut se demander : la décision de rayer M. A de l'ordre des chirurgiens-dentistes est-elle légale ? Est-il possible d'abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits ? Y a-t-il des délais pour cela ? La décision d'inscrire M. A au tableau de l'ordre était-elle légale ?
[...] A au tableau de l'ordre était-elle légale ? Le juge administratif a répondu qu'il est possible d'abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits si elle est illégale, mais seulement au plus tard 4 mois après son intervention. La décision d'inscription de M. A était légale puisqu'il n'a pas commis de fraude quelconque, et son abrogation étant intervenue plus de 4 mois après la signature de la décision d'inscription de M. cette abrogation est illégale et doit être annulée pour excès de pouvoir, ce que le juge administratif n'a pas manqué de faire. [...]
[...] Conseil d'Etat mars 2009 - la définition de l'abrogation et du retrait L'abrogation se définit comme la disparition d'un acte administratif pour l'avenir, c'est-à-dire qu'il cesse de produire de nouveaux effets pour l'avenir, mais que, contrairement au retrait, ses effets passés ne seront pas remis en cause. Cette différence fondamentale entre abrogation et retrait a posé bien des soucis à la doctrine, plutôt critique de la jurisprudence sur le sujet, qui manquait de clarté. L'arrêt Coulibaly, rendu en 2009, a permis de clarifier cette situation, d'où son importance particulière. [...]
[...] Encore une fois, on comprenait mal pourquoi cette règle pesait en matière d'abrogation et non en matière de retrait Ici, le juge administratif a donc étendu les droits des administrés, puisqu'il affirme que l'administration peut retirer ou abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors les cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire On voit donc l'importante clarification de cette décision, mais il faut étudier en détails les conditions nouvelles posées ici par le Conseil d'État pour mieux en comprendre la portée. II. Les conditions et l'application de l'abrogation posées par le juge administratif L'arrêt Coulibaly pose ici des conditions claires et impératives pour l'abrogation, qui permettent d'appliquer un régime similaire en matière d'abrogation et de retrait. Cependant, la portée réelle de cette décision est à modérer. [...]
[...] Pour mieux comprendre cet arrêt et sa portée réelle, il conviendra d'étudier dans un premier temps la consécration de la possibilité d'abrogation de décisions expresses individuelles créatrices de droits et les conditions ainsi que l'application des principes nouveaux dégagés ici pour l'abrogation (II). I. La possibilité consacrée d'abrogation de décisions expresses individuelles créatrices de droits Bien que l'abrogation des décisions individuelles concernant M. A était illégale, le Conseil d'État a ici consacré la possibilité d'abrogation des décisions créatrices de droit, qui était depuis longtemps attendue. A L'illégalité flagrante de l'abrogation Une importante question était bien sûr de savoir si les abrogations du président du conseil régional étaient légales, ou si M. [...]
[...] A pratiquait déjà la chirurgie-dentaire depuis quelques années, bien qu'il l'ait fait en tant que salarié. En l'absence de faute professionnelle de sa part, on ne pourrait donc pas, au bout d'autant de temps, lui retirer ces droits sans lui porter un préjudice excessif. C'est ce que précise le juge administratif : [le conseil départemental] ne peut, en l'absence de fraude, sans méconnaître les droits acquis qui résultent de l'inscription Ainsi, si selon l'arrêt Vannier (Conseil d'État, section janvier 1961), nul n'a le droit au maintien d'un règlement, les administrés ont cependant le droit à ce qu'on maintiennent à leur égard une décision ayant déjà produit des effets de droits pendant plus de 4 mois : l'administration ne peut retirer ou abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans le délai de quatre mois suivants l'intervention de cette décision et si elle est illégale Le délai a déterminé en l'espèce la décision, puisque l'abrogation était intervenue hors de ce délai. [...]
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