Depuis l'arrêt de principe Nicolo du 20 octobre 1989, la primauté du droit communautaire en droit interne est aujourd'hui absolue. Il convient cependant de nuancer dès à présent : alors que le CE a reconnu sans problème la supériorité du droit communautaire originaire (traités de Rome, de Maastricht, …) dans un arrêt du 27 mai 1991, la supériorité du droit communautaire dérivé n'est pas de principe.
En effet, le règlement communautaire que l'article 249 du TCE définit comme étant « d'effet direct en droit interne » et la décision communautaire que le même article définit comme « obligatoire en tous ses éléments pour les destinataires qu'elle désigne » produisent des effets directs en droit interne (CE 8 décembre 1999, Renucci pour les règlements et CE 10 janvier 2001 pour les décisions).
En revanche, le CE s'est refusé dans une décision du 22 décembre 1978, Cohn-Bendit à reconnaître un caractère directement applicable aux directives communautaires. Bien qu'une telle position soit conforme à la lettre du traité selon lequel les directives lient les Etats membres quant « au résultat à atteindre » mais leur laissent le choix des moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs qu'elles posent, elle n'en demeure pas moins contraire à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui a admis dans un arrêt du 4 décembre 1974, Van Duyn, que les directives peuvent parfois produire des effets directs.
L'arrêt d'assemblée du 6 février est venu raviver le débat de la conformité du droit interne aux directives communautaires en ce qui a soulevé une question sur laquelle le juge administratif n'avait jamais eu à se prononcer : celle du respect par les règles nationales non écrites du droit communautaire.
En l'espèce, le requérrant contestait la légalité de la procédure par laquelle une convention de concession avait été signée. En juillet 1991, la communauté urbaine de Lyon n'avait fait précéder la signature du contrat en question d'aucune mesure de publicité alors que la directive n°89/1140/CEE du 18 juillet 1989 était venue rendre obligatoire la publicité en la matière. La directive avait posé comme délais de transposition le 20 juillet 1990. Or c'est par une loi du 3 janvier 1991 que la France avait transposé la directive dans son droit interne : le délai n'était donc pas respecté, ceci d'autant plus que celle-ci ne pouvait entrer en vigueur que par l'adoption d'un décret, lequel n'était intervenu que le 31 mars 1992, soit près de vingt mois après l'expiration du délai imposé par les Communautés.
Le CE devait tout d'abord se prononcer sur la question de l'applicabilité d'un décret à une situation qui lui était antérieure : il a estimé que les dispositions de ce décret n'étaient « pas applicables aux contrats signés avant son entrée en vigueur ».
Le CE devait ensuite et surtout se prononcer sur la conformité du droit national en vigueur au moment de la délibération attaquée aux objectifs de la directive. La difficulté résidait en ce que la matière était alors régie par des règles jurisprudentielles. Le juge administratif, dans un souci « d'assurer le respect de la hiérarchie des normes », comme l'a souligné le commissaire du gouvernement Savoie, a fait prévaloir la directive communautaire.
M. Tête a donc obtenu que soit annulé non seulement le jugement du tribunal administratif qui l'avait débouté de sa demande mais aussi la décision du 19 juillet 1991 dont il contestait la légalité.
Dans quelles mesures la question du champ d'application de la procédure de l'exception d'illégalité soulevée par la décision d'Assemblée du 6 février 1998 est-elle venu mettre en péril la jurisprudence Cohn-Bendit ?
L'arrêt Tête est venu raviver le débat sur la jurisprudence Cohn-Bendit et le refus du juge administratif de reconnaître un effet direct aux directives communautaires (II) dans la mesure où cette décision est venue poser une question que les juges de 1978 n'avaient probablement pas envisagé (I).
[...] C'est en application de la jurisprudence Palazzi (CE 8 juillet 1991), qu'en l'espèce Monsieur Tête, conseiller régional de Rhône-Alpes et président de l'Association de sauvegarde de l'Ouest lyonnais, a pu contester la légalité de la décision attaquée devant le tribunal administratif de Lyon en première instance puis devant le Conseil d'Etat. En effet, depuis 1991, le juge administratif accepte de connaître de la légalité d'un acte individuel pris sur le fondement d'un acte réglementaire lorsque les dispositions d'une directive communautaire n'ont pas ont mal- été transposées : c'est la procédure de l'exception d'illégalité. [...]
[...] La directive avait posé comme délais de transposition le 20 juillet 1990. Les autorités françaises n'avait pas respecté ce délais dans la mesure où la loi par laquelle était opéré la transposition n'était entrée en vigueur que le 3 janvier 1991. De plus, l'article 11 de cette loi disposait que fait l'objet de mesures de publicité définies par un décret en Conseil d'Etat la passation de contrats dont le montant est égal ou supérieur à un seuil fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances La loi de transposition n'a été effective qu'à la date de ce décret et de cet arrêté, à savoir le 31 mars 1992. [...]
[...] Il n'acceptait pas pour autant qu'un acte individuel puisse être contesté devant lui sur le fondement qu'il n'était pas conforme à une directive. Il acceptait en revanche de connaître de la conventionalité de l'acte réglementaire sur le fondement duquel avait été pris un acte individuel. Ce faisant, le juge national se soumettait implicitement à la jurisprudence Simmenthal du 9 mars 1978 de la CJCE selon laquelle tout juge ( ) saisi dans le cadre de sa compétence, en tant qu'organe d'un Etat membre, pour mission de protéger les droits conférés aux particuliers par le droit communautaire Le juge administratif français, en tant que juge communautaire, veillait à ce que la primauté du droit communautaire soit respectée. [...]
[...] Conseil d'Etat février 1998, Tête et Association de sauvegarde de l'Ouest lyonnais Depuis l'arrêt de principe Nicolo du 20 octobre 1989, la primauté du droit communautaire en droit interne est aujourd'hui absolue. Il convient cependant de nuancer dès à présent : alors que le CE a reconnu sans problème la supériorité du droit communautaire originaire ( traités de Rome, de Maastricht, ) dans un arrêt du 27 mai 1991, la supériorité du droit communautaire dérivé n'est pas de principe. En effet, le règlement communautaire que l'article 249 du TCE définit comme étant d'effet direct en droit interne et la décision communautaire que le même article définit comme obligatoire en tous ses éléments pour les destinataires qu'elle désigne produisent des effets directs en droit interne (CE 8 décembre 1999, Renucci pour les règlements et CE 10 janvier 2001 pour les décisions). [...]
[...] Tête tendant à l'annulation de la délibération et de la décision attaquées. Il convient donc de rappeler brièvement l'état de la jurisprudence du juge administratif à cette date. Comme il l'a été rappelé en introduction, par sa décision d'assemblée du 22 décembre 1978, Cohn-Bendit, le Conseil d'Etat fait une interprétation littérale du Traité des Communautés européennes : il considère qu'un moyen tiré de ce qu'une décision individuelle viole une directive communautaire ne saurait être recevable. Résultait de cet arrêt que les directives n'étaient pas directement applicables en droit interne quand bien même aucune mesure n'aurait été prise par les autorités nationales une fois le délais de transposition écoulé. [...]
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