Cet arrêt du Conseil d'Etat en date du 6 février 1981 intitulé comité de défense des sites de la forêt Fouesnant est relatif à la question des contraventions de grande voirie. Plus précisément, il précise la jurisprudence administrative par rapport à l'obligation faite aux autorités en charge de la police et de la conservation du domaine public de poursuivre les auteurs de contravention de grande voirie. Cette obligation pourrait venir rencontrer des limites d‘un certain type.
En l'espèce, une usine de conserverie occupait sans titre le domaine public maritime. Le comité requérant a demandé au préfet du Finistère d'engager des poursuites contre cet occupant irrégulier du domaine public. Celui-ci refusa de saisir le juge en charge des contraventions de grande voirie. Le comité a porté ce refus devant le tribunal administratif de Rennes qui dans un jugement du 16 mai 1979 rejeta la demande d'annulation du refus préfectoral et la condamnation de la conserverie à la remise en état des lieux. Le comité se tourne vers le Conseil d'Etat en lui demandant d'annuler le jugement du tribunal administratif et de reconnaître l'excès de pouvoir accompli par le préfet.
Le Conseil d'Etat doit statuer sur le fait de savoir si l'obligation faite aux autorités de police et de conservation du domaine public peut avoir des limites et être sous certaines hypothèses écartées notamment par crainte de répercussions sociales et économiques. Cette obligation peut s'envisager comme une compétence liée de l'administration ou s'envisager comme appartenant à son pouvoir discrétionnaire laissant à l'administration une marge d'appréciation des situations.
Le Conseil d'Etat décide de rejeter la requête. C'est à bon droit que le tribunal administratif avait estimé que le préfet n'avait pas commis d'excès de pouvoir dans son refus de poursuivre les auteurs de contraventions de grande voirie.
Les limites à cette obligation d'engager des poursuites peuvent résider dans un soucis de préserver des intérêts généraux par rapport à la conservation du domaine public. En l'occurrence, le souci d'éviter des inconvénients d'ordre économique et les répercussions sociales pouvant naître suite à l'engagement de telles poursuites sont aux yeux du Conseil une justification suffisante pour que l'administration refuse de faire usage de ces pouvoirs.
Le Conseil d'Etat a déjà eu à se prononcer sur la légalité des refus des autorités administratives d'engager des poursuites à l'encontre d'auteurs de contraventions de grande voirie. L'intérêt de cet arrêt réside dans le fait que le Conseil d'Etat est venu préciser les hypothèses où l'autorité administrative peut ne pas faire usage de son pouvoir.
Il faut remarquer comment le Conseil d'Etat contrôle l'obligation incombant aux autorités administratives de poursuivre les auteurs de ces infractions et pose une limite d'ordre générale (I), qu'il précise ensuite dans son contenu à l'aide cette solution (II).
[...] La compétence liée des autorités de police et de conservation du domaine public Le domaine public bénéficie d'un régime protecteur tout particulier. Parmi ces protections, il peut être noté les procédures de sanction que constituent les contraventions de voirie et de grande voirie. Les contraventions de voiries routières ne font pas l'objet de cet arrêt, il s'agit de l'ensemble des atteintes portées aux voies publiques et à leurs installations accessoires. Le juge judiciaire est compétent pour en connaître et il leur applique un régime semblable à celui gouvernant les infractions à la circulation. [...]
[...] Ce sont ces raisons qu'il convient de préciser. Le préfet du Finistère se serait fondé "sur les inconvénients d'ordre économique" et sur "les répercussions d'ordre social" qui auraient pu découler d'"une interruption même temporaire du fonctionnement de cette usine". Ce motif justifiant le refus est ensuite qualifié par le Conseil d'Etat comme répondant bien à "l'intérêt général ( . ) de nature à justifier cette décision de rejet". Le tribunal administratif n'a pas à tort interprété le fondement du refus apporté par le préfet du Finistère Au regard de cet arrêt, il peut être compris que sont considérées comme faisant partie des intérêts généraux à préserver, les répercussions économiques, ainsi que les répercussions sociales. [...]
[...] L'arrêt Comité de défense des sites de la forêt de Fouesnant vient préciser les intérêts généraux qui peuvent justifier l'abstention de l'administration vis-à-vis des contraventions de grande voirie. Ce n'est plus une véritable compétence liée, mais surtout les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public disposent d'une certaine marge d'appréciation. Il s'agit de voir maintenant quelles sont les raisons pouvant être invoquées pour justifier d'une telle abstention et comment elles sont contrôlées. II. La priorité accordée à la protection d'intérêts généraux sur la conservation du domaine public Cet arrêt permet de préciser la nature des intérêts généraux justifiant le non-engagement de poursuites à l'encontre des auteurs de contraventions de grande voirie. [...]
[...] C'est le rôle du juge administratif de veiller à ce que l'abstention soit satisfaisante. B. Le contrôle du juge administratif sur l'appréciation de l'opportunité des poursuites En reconnaissant à l'administration la faculté de s'abstenir d'engager de poursuites, les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public ont la faculté d'apprécier au cas par cas l'opportunité des poursuites. Cette abstention ne doit pas venir mettre en danger le domaine public que cette obligation de poursuites était censée protéger. [...]
[...] Le Conseil d'Etat avait reconnu alors la possibilité de s'abstenir de toute poursuite contre un auteur d'une contravention de grande voirie en raison des "nécessités de l'ordre public". Il est possible de se demander ce que le juge administratif a voulu entendre par la formule "nécessités de l'ordre public" puisque ces mêmes nécessités sont de nature à porter des dérogations au principe de l'obligation de poursuivre. Elles doivent revêtir un intérêt tout particulier pour être privilégiées dans tel conflit d'intérêt (la conservation du domaine public en conflit avec cette nécessité d'ordre public). [...]
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