En l'espèce, M. Trognon bénéficiaire du revenu minimum d'insertion, se l'est vu retiré par la caisse de mutualité sociale agricole, chargée du versement de l'allocation. Elle a interrompu l'allocation, car il ne correspondait plus aux caractéristiques nécessaires pour la recevoir, et à même fait savoir qu'il en avait reçu trop (et qu'il devait en conséquence rembourser le trop-perçu).
M. Trognon saisit alors la commission départementale d'aide sociale qui confirme le trop-perçu. Il fait ensuite appel devant la Commission Centrale de l'Aide Sociale (CCAS), sans succès, et se pourvoit alors en cassation au motif que la formation de jugement de cette commission est irrégulière au regard de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH).
En effet, il met en lumière la présence de fonctionnaires et de rapporteurs nommés par le ministre chargé de l'aide sociale au sein de la CCAS, ce qui serait contraire au principe d'impartialité et d'indépendance des juges protégé par l'article susmentionné.
Peut-on dire qu'en l'espèce la formation de jugement de la CCAS déroge au principe d'indépendance et d'impartialité de la juridiction consacré par la CESDH ? Y a-t-il une ou des condition(s) que doit respecter la formation de jugement pour qu'elle corresponde à ce principe ?
[...] En effet, la présence de fonctionnaires au sein d'une juridiction administrative spécialisée peut déroger au principe d'impartialité. Il ne suffit pas de prétendre que la jurisprudence a ''autorisé la présence de fonctionnaires pour répondre aux accusations de non-impartialité. Ces conditions sont légitimes : si le Conseil d'État n'a pas voulu bouleverser tout le système juridique en prononçant la présence de fonctionnaires inconventionnelle (surtout au regard du fait que les juridictions spécialisées ont été créées pour traiter des litiges très spécifiques, et dont la technicité requiert une connaissance approfondie, le recours aux fonctionnaires ayant été fait en ce sens), il s'agissait de protéger l'administré en définissant les conditions de non-impartialité objective (malgré le principe général applicable à la fonction de juger). [...]
[...] De fait, l'activité des fonctionnaires conditionne leur entrée au sein de la juridiction. Le Conseil d'État évoque bien cette nuance à effectuer tant dans l'arrêt Trognon que dans l'arrêt qu'il a rendu le même jour, Aïn-Lhout décembre 2002) dans lequel il explique que sans que des garanties appropriées assurent son indépendance, un fonctionnaire est appelé à siéger dans une juridiction en raison de ses fonctions et que celles-ci le font participer à l'activité des services en charge des questions soumises à la juridiction Dans un tel état de fait, il y aurait un doute légitime qui se formerait, et ainsi, une telle formation de jugement serait inconventionnelle, car contraire au principe d'impartialité objective. [...]
[...] Cette décision s'inscrit dans la tendance jurisprudentielle de la CEDH. En effet, dans l'arrêt Stramek Autriche (22 octobre 1984), qui stipulait que dès lors qu'un tribunal compte parmi ses membres une personne se trouvant dans un état de subordination de fonctions et de services par rapport à l'une des parties, les justiciables peuvent légitimement douter de l'indépendance de cette personne la CEDH avait alors adopté une conception exigeante qui condamnait presque la présence de fonctionnaires nommés en raison de leurs fonctions, dans les juridictions Néanmoins, la Cour a finalement nuancé cette décision, et a admis la présence de fonctionnaires au sein d'une juridiction (CEDH 23 avril 1987, Ettl et autres Autriche). [...]
[...] Peut-on dire qu'en l'espèce la formation de jugement de la CCAS déroge au principe d'indépendance et d'impartialité de la juridiction consacré par la CESDH ? Y a-t-il une ou des condition(s) que doit respecter la formation de jugement pour qu'elle corresponde à ce principe ? Le Conseil d'État répond en deux temps : s'il émet des réserves sur les conditions d'impartialité et d'indépendance, il a cependant considéré qu'en l'espèce, la formation ne dérogeait pas au principe. De fait, il rejette le pourvoi du requérant. [...]
[...] En l'espèce, il n'y a aucun fondement à dire que les fonctionnaires ont préjugé de l'affaire de M. Trognon. Néanmoins, si le Conseil d'État a admis en l'espèce la conformité au principe d'impartialité objective, d'origine européenne, de la formation de jugement de la CCAS, en ne condamnant pas par principe la participation des fonctionnaires, il a nuancé son propos en posant des limites à cette impartialité en posant des possibilités de mises en doute de cette dernière. II La conformité au principe d'impartialité, conditionnement par l'activité des fonctionnaires En effet, pour justifier sa décision, il a considéré qu'en l'espèce, la formation de jugement de CCAS n'était pas inscrite dans les nuances que l'on peut faire à la portée du principe d'impartialité. [...]
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