L'interventionnisme de la puissance publique se traduit principalement par le fait qu'une autorité administrative peut prendre des décisions exécutoires, c'est-à-dire des actes unilatéraux créateurs de droits ou d'obligations qui s'imposent d'eux-mêmes aux administrés. Par leur caractère obligatoire et tant qu'elles ne sont pas annulées ou suspendues, ces décisions doivent toujours s'exécuter. Or, l'interventionnisme de l'administration n'est pas sans limites, puisque chaque décision est soumise au principe de légalité. Quand la loi ne le prévoit pas, le juge vient très souvent préciser les règles entourant l'action administrative, rétablissant parfois une certaine égalité entre administration-administrés. C'est ainsi que le 5 mai 1944, le Conseil d'Etat a dû se prononcer sur la question du respect des droits de la défense dans le cadre d'une décision administrative.
En l'espèce, Madame TROMPIER GRAVIER, titulaire d'une autorisation lui permettant de vendre des journaux dans un kiosque à Paris, s'était vue retirer celle-ci par une décision du préfet de la Seine en date du 26 décembre 1939.
Madame TROMPIER GRAVIER a par la suite formé une requête devant le Conseil d'Etat afin d'obtenir l'annulation de la décision pour excès de pouvoir. En effet, si le préfet de la Seine soutenait que la décision litigieuse avait été prise au regard d'une faute commise par la requérante, Madame TROMPIER GRAVIER reprochait à l'autorité administrative d'avoir pris une telle décision individuelle sans qu'elle n'ait pu exposer ses moyens de défense.
Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat a dû se prononcer sur la question suivante : une décision administrative individuelle est-elle légale, lorsque la personne directement concernée n'a pu la contester ni se défendre ?
[...] Un principe récemment reconnu à valeur constitutionnelle Depuis peu, le principe du respect des droits de la défense, dont on connait désormais mieux le sens et le contenu (communication des griefs à la personne concernée, droit d'être assisté d'un avocat a été consacré au rang des principes à valeur constitutionnelle depuis une décision du Conseil Constitutionnel en date du 30 mars 2006. D'abord érigé en principe général du droit, aujourd'hui au sommet de la hiérarchie des normes, le principe mis en évidence par l'arrêt TROMPIER GRAVIER est indiscutable. [...]
[...] La décision administrative unilatérale : Droits de la défense et procédure contradictoire. Commentaire d'arrêt du Conseil d'Etat mai 1944, Dame Veuve TROMPIER-GRAVIER L'interventionnisme de la puissance publique se traduit principalement par le fait qu'une autorité administrative puisse prendre des décisions exécutoires, c'est-à-dire des actes unilatéraux créateurs de droits ou d'obligations qui s'imposent d'eux-mêmes aux administrés. Par leur caractère obligatoire et tant qu'elles ne sont pas annulées ou suspendues, ces décisions doivent toujours s'exécuter. Or, l'interventionnisme de l'administration n'est pas sans limite, puisque chaque décision est soumise au principe de légalité. [...]
[...] Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat a dû se prononcer sur la question suivante : Une décision administrative individuelle est-elle légale, lorsque la personne directement concernée n'a pu la contester ni se défendre ? Le Conseil d'Etat, dans sa solution, vient reconnaitre le principe du respect des droits de la défense, qui consiste à donner à une personne la possibilité de discuter des griefs formulés contre elle L'application de ce principe s'apprécie en fonction du caractère de la décision (décision défavorable) et de la gravité de la sanction. [...]
[...] I L'annulation de la décision administrative défavorable ayant méconnu le principe du respect des droits de la défense Si l'on avait auparavant déjà reconnu une protection des droits de la défense dans la procédure juridictionnelle c'est une décision administrative que vient annuler le Conseil d'Etat pour non-respect des droits de la défense La reconnaissance antérieure d'une protection des droits de l'individu dans la procédure juridictionnelle L'apport de la jurisprudence Téry de 1913 L'idée d'instaurer une protection des droits de l'individu n'est pas nouvelle : l'arrêt TERY du 20 juin 1913 avait déjà ouvert la voie en reconnaissant les droits de la défense devant les juridictions administratives. Cet arrêt développait les règles de fonctionnement et de procédure qui devaient être respectées au cours d'une instance, notamment le caractère contradictoire de la procédure qui oblige le demandeur à informer le défendeur de son action en justice, exige des parties la communication de leurs conclusions, et qui instaure des débats contradictoires. L'arrêt TERY semble donc n'avoir reconnu l'application du principe du respect des droits de la défense que dans la procédure juridictionnelle. [...]
[...] Le renforcement des droits des administrés face à l'administration Dans l'arrêt TROMPIER GRAVIER, le juge s'est doté d'un rôle-clé dans les relations administration-citoyens en se reconnaissant la faculté d'ériger des principes généraux du droit venant encadrer l'interventionnisme de la puissance publique. Leur construction reste tout à fait légitime, car le juge ne légifère pas, mais interprète et dégage des règles déjà reconnues. Comme le sous-entend l'arrêt TROMPIER GRAVIER en affirmant que le préfet a excédé ses pouvoirs, ces principes ont pour objectif d'éviter et le cas échéant de sanctionner les excès de l'administration ; ses abus. Le juge a donc cherché à apporter une garantie supplémentaire pour les citoyens, en contraignant toujours plus l'action administrative. [...]
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