Le Conseil d'Etat, par deux arrêts de section aux espèces presque identiques, décide le 5 janvier 2000 de s'aligner sur les décisions de la Cour de cassation en matière du devoir d'information des médecins envers leurs patients. Dans ces deux espèces, des patients n'avaient pas été informés des risques de paralysie susceptibles de se produire après des interventions endovasculaires, ce type d'interventions ne présentant un risque vital inférieur ou égal à 1%.
Le risque s'était cependant produit et dans les deux cas, l'intervention avait entraîné des séquelles paralytiques. Dans le premier arrêt Consorts Telle, le tribunal administratif de Lyon avait estimé le 19 avril 1995 que ce risque ne présentait pas un caractère exceptionnel et avait accordé à la victime une réparation intégrale des dommages résultant de l'accident et à son épouse une indemnité.
Dans le second arrêt Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, le tribunal administratif de Paris avait refusé d'accorder dans un arrêt du 3 mai 1995 toute indemnité à la victime, reprenant la même argumentation que celle de la cour administrative d'appel de Lyon dans la première affaire.
Dans quelle mesure le jugement rendu par le Conseil d'Etat dans ces arrêts témoigne t-il d'une évolution de sa jurisprudence au travers d'un accroissement des contraintes pesant sur les médecins du service public hospitalier en matière de devoir d'information des patients et d'une plus grande rigueur du point de vue de l'indemnisation du préjudice causé par un défaut d'information constitutif d'une faute ?
[...] Un accroissement des contraintes pesant sur le service public hospitalier en matière du devoir d'information des patients Le Conseil d'Etat accroît les contraintes pesant sur les médecins du service public hospitalier en étendant d'une part l'obligation d'information des patients en cas de risques exceptionnels et en chargeant les médecins de prouver l'inexécution de cette obligation A. L'étendue de l'obligation d'information des patients en cas de risques exceptionnels En principe, le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose (article 35 du code de déontologie des médecins, décret du 6 septembre 1995), que le patient ait recours au secteur privé ou qu'il utilise l'hôpital public. [...]
[...] La loi du 4 mars 2002 a confirmé ce renversement de la charge de la preuve, donc une présomption de la faute concernant le service public hospitalier, dès lors qu'il y a disproportion dans les soins que le malade escomptait, comme en l'espèce. S'alignant sur la Cour de cassation, le CE tient compte du fait que faire peser la charge de la preuve sur les patients ferait peser sur eux, alors qu'ils sont de fait dans une situation inégale par rapport à l'administration, la charge d'apporter la preuve que l'information n'a pas été correctement donnée Si le Conseil d'Etat accroît les contraintes sur les médecins sur le devoir d'information, il fait preuve d'une plus grande rigueur pour les patients victimes d'un risque exceptionnel. [...]
[...] Cet arrêt pose quatre conditions que le Conseil d'Etat examine ainsi pour savoir s'il y a lieu d'appliquer une responsabilité sans faute. Il faut que l'acte médical à l'origine du dommage ait été nécessaire au traitement ou au diagnostic, que cet acte ait présenté un risque dont l'existence était connue mais dont la réalisation était exceptionnelle, que le patient n'ait eu de prédisposition particulière à ce risque et qu'enfin l'exécution de cet acte ait été la cause directe d'un dommage d'une extrême gravité et sans rapport avec l'état initial du patient et son évolution prévisible. [...]
[...] Il évalue ainsi d'abord l'entier dommage subi par la victime puis, afin de déterminer la part du préjudice causé par le défaut d'information, évalue la probabilité qu'elle avait de refuser l'intervention si elle avait été bien informée des risques. Autrement dit, le juge estime donc la fraction de ce préjudice qui est imputable à la perte de chance et dès lors, le préjudice causé par le défaut d'information ne s'élèvera qu'à une part très faible du préjudice subi voire même sera considéré comme inexistant si l'intervention était inévitable. En l'espèce, il convient de distinguer entre les deux espèces. [...]
[...] Le juge d'appel avait cette fois rendu une solution novatrice en ce qu'elle tenait compte de plusieurs arrêts de la Cour de cassation (sur lesquels on reviendra), abandonnant sa jurisprudence antérieure sur l'obligation d'information du médecin envers le patient. Dans quelle mesure le jugement rendu par le Conseil d'Etat dans ces arrêts témoigne t-il d'une évolution de sa jurisprudence au travers d'un accroissement des contraintes pesant sur les médecins du service public hospitalier en matière de devoir d'information des patients et d'une plus grande rigueur du point de vue de l'indemnisation du préjudice causé par un défaut d'information constitutif d'une faute ? [...]
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