31 mars 2017, pourvoi 392316, Pichon c/ Ministre de l'Intérieur, fonctionnaire, liberté d'expression, police nationale, obligation de discrétion, sanction disciplinaire, loi du 13 juillet 1983
Par un arrêté du 24 mars 2009, le ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a décidé de mettre à la retraite d'office un commandant au sein de la police nationale « pour avoir fait l'usage [d'un] fichier de police » : le système de traitement des infractions constatées (ci-après STIC) pour des raisons qui étaient étrangères au service et à ses fonctions.
Le commandant mis à la retraite d'office a donc décidé d'introduire une demande au tribunal administratif de Melun tendant à ce que soit annulé l'arrêté pris par le ministre prononçant sa mise à la retraite d'office, de condamner l'État à l'indemniser de la somme de trente mille euros au titre des préjudices qui en ont résulté ainsi que d'enjoindre au ministre de l'Intérieur de procéder à sa réintégration dans les cadres de la police nationale. Cette demande fut toutefois rejetée par le tribunal administratif le 8 décembre 2011.
[...] L'agent public, dans ce cas, ne peut pas se prévaloir de la protection conventionnelle puisqu'il en a enfreint la teneur et la portée, d'autant qu'il avait utilisé le fichier STIC à des fins également personnelles. À cet égard, il apparait intéressant de noter que les fonctionnaires sont soumis à une obligation de neutralité, obligation également rappelée par un arrêt du Conseil d'État du 3 mai 1950, Demoiselle Jamet (n°98-284), et qui avait considéré que tout agent collaborant à un service public doit respecter le droit de stricte neutralité. Autrement dit, l'agent ne doit donc pas prendre partie. [...]
[...] Ce principe s'appliquant tout au long de la carrière de l'agent prévaut sur la liberté d'expression qui s'en voit donc encadrée ou circonscrite. La liberté d'expression de l'agent public est en fait limitée par le devoir de neutralité qui est inhérent à son statut et qui résulte du Titre Ier du statut général des fonctionnaires du 13 juillet 1983, mentionné au visa de cette décision, d'autant que cette restriction plus ou moins étendue est liée au rang et à la fonction tenue par l'agent public. [...]
[...] Toutefois, lorsqu'est abordée cette liberté, une distinction s'opère selon que l'agent public est ou non en service. Lorsque l'agent public est en service, il existe une stricte obligation de neutralité qui porte par conséquent une interdiction absolue de faire état de ses opinions personnelles ce qui n'est pas le cas lorsque l'agent public n'est pas en service. Autrement dit, il peut tout à fait décider d'exercer cette liberté sans que ne puisse être portée atteinte à cette liberté. À cette distinction s'ajoute la nécessité pour lui d'observer ce qui est appelé un loyalisme national et républicain. [...]
[...] Un pourvoi devant le Conseil d'État fut ensuite formé et les juges de la haute juridiction administrative ont alors décidé d'annuler cet arrêt et a décidé de renvoyer l'affaire devant cette même cour. La Cour administrative d'appel de Paris statuera à nouveau sur l'appel interjeté par le demandeur et rendra son arrêt le 1[er] juin 2015 : elle a décidé de rejeter l'appel comme elle l'avait fait dans son précédent arrêt. Le demandeur formera par voie de conséquence un pourvoi au secrétariat du contentieux du Conseil d'État et a demandé au juge administratif suprême d'annuler l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 1[er] juin 2015, arrêt par lequel elle a rejeté l'appel ainsi formé contre le jugement du tribunal administratif de Melun. [...]
[...] En ce sens, c'est donc à bon droit, autrement dit légalement, que le ministre de l'Intérieur a été autorisé à sanctionner le fonctionnaire d'une mise à la retraite d'office, tant les faits reprochés et reconnus au requérant étaient d'une importance considérable. Il n'est pas possible pour un agent public d'utiliser un fichier en infraction avec son fonctionnement puisque celui-ci doit être respecté dans son intégralité par les agents, d'autant que les faits reprochés démontrent que les consultations ont été effectuées dans un but totalement étranger à ceux pour lesquels il fut effectivement créé. [...]
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