Conseil d'Etat 30 octobre 2009, arrêt Perreux, justiciable, directive non transposée, recours, acte administratif individuel, discrimination, erreur de droit, erreur d'appréciation, arrêt Ratti, article 88-1 de la Constitution, arrêt Société Arcelor, directive du 6 février 1998, commentaire d'arrêt
Une femme, magistrate judiciaire, a été nommée au poste de vice-présidente afin d'appliquer les peines. Celle-ci a par la suite candidaté au poste chargé de la formation à l'école nationale de la magistrature qui s'est vu refuser ce même poste au profit d'une autre juge. C'est ainsi que la magistrate a considéré qu'elle avait été victime de discrimination à cause de son appartenance à un syndicat, ainsi la Garde des Sceaux qui a refusé sa candidature aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en choisissant une autre magistrate.
C'est dans ce contexte que la magistrate va contester deux actes administratifs. Le premier, datant du 24 août 2006 qui porte sur la nomination de la requérante au poste de vice-présidente de l'application des peines ainsi qu'un deuxième, datant du 29 août 2006 qui porte sur la nomination de l'autre juge au poste chargée de la formation à l'École nationale de la magistrature. La requérante aimerait donc obtenir l'annulation du décret et de l'arrêté en saisissant le Conseil d'État. Pour pouvoir appuyer sa demande, la requérante va se fonder sur la directive du Conseil du 27 novembre 2000 dont le délai de transposition expirait le 2 décembre 2003. Ainsi, la requérante va se baser sur une directive qui n'avait pas été transposée au moment du litige.
[...] Le Conseil d'État a alors jugé que les dispositions de l'article 10 étaient dépourvues d'effet direct et ne pouvaient être invoquées par la requérante : eu égard à la réserve que comporte le paragraphe 5 de l'article 10, les dispositions de ce dernier sont dépourvues d'effet direct devant la juridiction administrative . Ainsi, malgré l'absence d'effet direct de la directive de la requérante, le Conseil d'État a tout de même considéré que c'était au juge administratif de se charger de prendre en compte la charge de la preuve en cas de discrimination. [...]
[...] Dans quelles mesures est-il possible pour un justifiable de se prévaloir d'une directive alors même qu'elle n'a pas été transposée afin d'annuler une décision individuelle ? Il est donc important d'analyser dans un premier temps ce que la jurisprudence disposait afin de pouvoir consacrer la reconnaissance de l'effet direct des directives et dans un second temps comment le Conseil d'État a pu considérer qu'il était désormais possible de contrôler les actes administratifs individuels par rapport aux directives (II). La reconnaissance de l'effet direct des directives à travers l'invocabilité de substitution Alors qu'à l'origine les directives ne pouvaient servir qu'à écarter le texte national qui lui était contraire, et ce, sur le fondement duquel avait été pris l'acte individuel contesté le Conseil d'État va revenir sur sa position en considérant que la transposition d'une directive a valeur constitutionnelle La jurisprudence antérieure : un refus catégorique du Conseil d'Etat de se prévaloir des dispositions d'une directive À l'origine, la Cour de justice de l'Union avait considéré dans l'arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974 que la directive [HYPERLINK: https://justice.ooreka.fr/astuce/voir/641005/directive-communautaire] était un acte qui concernait les États membres ce qui impliquait qu'elle devait être transposée par les États dans leurs droits nationaux dans un certain délai. [...]
[...] Le CE a donc dû répondre à la question de droit suivante : est-il possible pour un justiciable de se prévaloir d'une directive non transposée dans le cadre d'un recours contre un acte administratif individuel ? Cet arrêt est considéré comme l'un des arrêts les plus importants en droit administratif puisqu'en considération de la jurisprudence Cohn-Bendit, la possibilité pour une justifiable de se prévaloir d'une directive non transposée est en principe impossible. Cependant, le Conseil d'État va admettre la possibilité directe du justiciable de se prévaloir à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'État n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires . [...]
[...] Ainsi, il est appréciable de constater qu'il était très important pour le Conseil d'État de considérer que les directives ne soient pas dépourvues d'effet en droit national. Il exerce donc un contrôle significatif à la fois sur la légalité des actes de transposition des directives et sur les lois transposant les directives . De plus, il est important de souligner que si les directives qui étaient non transposées pendant les délais n'étaient pas appliquées par les juridictions nationales, l'État aurait donc le pouvoir d'empêcher l'application d'un texte européen sur le plan interne, ce qui pourrait provoquer un conflit juridique. [...]
[...] Cette considération du juge est légitime dans la mesure où cela pourrait éviter que le justifiable fasse des recours abusifs qui se basent sur des directives trop larges. Dans l'arrêt commenté, le Conseil d'État accorde l'effet direct à la directive invoquée par la requérante bien qu'elle n'avait pas encore été transposée par la France à l'époque de la nomination contestée ce qui est inédit dans la jurisprudence. Mais, la juridiction suprême a considéré, dans les faits, que la disposition de la directive invoquée par la requérante n'était pas inconditionnelle, ainsi elle était dépourvue d'effet direct devant la juridiction administrative. [...]
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