« L'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de décision ». Après une longue évolution, les règles de retrait ont connu un tournant jurisprudentiel. L'arrêt du Conseil d'État TERNON d'où est tirée cette citation, en date du 26 octobre 2001, est un arrêt essentiel venu rompre avec la jurisprudence Dame Cachet ; revirement jurisprudentiel confirmé par l'arrêt PORTALIS du 14 mars 2008. En effet dans cet arrêt, M.P, militaire, est mis en examen pour prêt illégal de main-d'œuvre, escroquerie et corruption. Grâce à son statut de militaire, celui-ci se voit accorder le 26 juillet 2001 par acte administratif non règlementaire édicté par le ministre de la Défense, la protection de l'Etat pour assurer sa défense devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille afin de subvenir aux frais d'avocat. Une clause a été intégrée, supprimant la protection de M.P si le tribunal reconnaissait une faute personnelle de sa part dans le litige en l'espèce. Le 8 octobre 2004, le Tribunal de Grande Instance de Marseille rend sa décision et condamne M.P pour corruption passive. Une faute personnelle est donc reconnue contre M.P. Par voie de conséquence, le 18 novembre 2004, le ministre de la Défense retire à M.P la protection de l'Etat et lui demande de supporter la charge entière des frais de défense. Le ministre de la Défense retire donc sa décision datant du 26 juillet 2001.
[...] Cette contestation s'effectue par la voie du recours pour excès de pouvoir qui aboutit à l'annulation de l'acte si celui-ci est déclaré par le juge comme non conforme à la loi. C'est pourquoi en l'espèce, la décision du Ministre de la Défense datant du 18 novembre 2004 retire à M.P la protection de l'Etat et lui demande de supporter la charge de ses frais de défense. Cette décision correspond à la définition d'un acte faisant grief à M.P étant donné qu'elle lui supprime une aide financière de l'Etat. [...]
[...] Mais dans une décision du 30 mai 2005, le Ministre de la Défense rejette le recours de M.P. c'est dans ces conditions que M.P décide de saisir le Conseil d'Etat pour qu'il annule d'une part la décision du 30 mai 2005 et d'autre part qu'il mette à la charge du ministre de la Défense la somme de 4000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. La question que devait se poser le Conseil d'Etat était de savoir si l'acte administratif accordant la protection de l'Etat à M.P était susceptible d'être retiré plus de 4 mois après sa signature ? [...]
[...] Cela veut dire que ce sont des actes qui, généralement, modifient les situations de droit des administrés. Ces actes modificateurs des situations de droit répondent à une désignation particulière : on les nomme des actes faisant grief L'acte faisant grief est donc négativement l'acte qui va enlever, limiter les droits de l'administré. L'acte faisant grief est positivement celui qui ajoute, développe ou renforce les droits de l'administré face à l'administration. La décision exécutoire (acte qui fait grief) implique une conséquence qui s'applique au cas de l'espèce. [...]
[...] Le caractère légal de l'acte n'est plus pris en compte ; le souci de sécurité juridique prévaut dans la jurisprudence PORTALIS. Nous arrivons donc dans une situation où le pouvoir souverain de l'administration sur les administrés est limité. Elle ne détient plus la suprématie qu'elle détenait auparavant. La relation inégalitaire que devait subir l'administré est révoquée tendant de ce fait le système de droit public à se rapprocher de plus en plus du système de droit privé qui met sur un même pied d'égalité tous les justiciables. [...]
[...] Cette situation choquante a tenté d'être résolue par la jurisprudence ultérieure et notamment dans l'arrêt PORTALIS. Dans l'arrêt PORTALIS, l'administration confère implicitement et de manière illégale une situation de droit plus avantageuse à l'administré. Dans l'arrêt EVE (14 nov. 1929), le Conseil d'Etat considère que les autorisations implicites découlant de l'expiration d'un délai ne peuvent jamais être retirées. Cette jurisprudence tend à forcer le principe de sécurité juridique vis-à-vis du principe de légalité. Il convient de préserver les situations de droit crées par cet acte illégal. [...]
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