Le Conseil d'État était saisi d'un recours pour excès de pouvoir à l'encontre d'un arrêté du président du Conseil Général de la Vendée réglementant l'utilisation des installations du port de Fromentine à partir duquel est assurée la desserte de l'île d'Yeu. Un opérateur privé se plaignait du fait que cet arrêté lui imposait des restrictions d'accès non justifiées par rapport aux vedettes rapides de la régie départementale.
Les vedettes privées, d'une part, ne pouvaient accoster au ponton de débarquement et d'embarquement en même temps que les unités rapides de la régie et d'autre part, se voyaient interdire l'accès aux installations pendant l'escale d'un paquebot de la régie alors que les unités rapides de la régie n'étaient pas soumises à cette restriction d'accès. Du point de vue du Conseil Général, ces restrictions étaient justifiées à la fois par des motivations de sécurité et par le fait que la régie départementale assure, au moins en ce qui concerne la desserte de l'île d'Yeu, une mission de service public.
Dès lors, le Conseil d'État devait se prononcer sur trois questions. Tout d'abord, il devait déterminer la compétence de l'autorité réglementaire de prendre des arrêtés fixant des facilités particulières d'utilisation du domaine portuaire. Ensuite, il devait vérifier que la régie départementale assurait une mission de service public qui justifiait l'octroi de facilités d'utilisation du domaine public. Enfin, le Conseil d'État devait évaluer une possible atteinte au droit de la concurrence et au principe de liberté du commerce et de l'industrie du fait de ces facilités d'utilisation du domaine portuaire.
[...] L'objet de la réglementation n'est donc pas le respect des règles de concurrence, mais avant tout la bonne gestion du domaine et la protection des activités d'intérêt général dont il est le cadre. Mais ce respect doit entrer en compte dans l'appréciation des effets de la réglementation. Cette jurisprudence, sans remettre en cause les pouvoirs du gestionnaire, en limite cependant le champ et la portée. [...]
[...] En effet, si elle admet la restriction de l'utilisation, ils ne vont pas jusqu'à autoriser le monopole. Le Conseil d'Etat par une décision de 1981 Chambre de commerce et d'industrie de Toulon et du Var refuse de justifier la restriction par la protection des seuls intérêts financiers du service public mais seulement pour la bonne exploitation du service. En effet, il rappelle que s'il appartient aux collectivités et personnes morales publiques, auxquelles sont affectées ou concédées les installations des ports maritimes, de permettre l'accès aussi large que possible des armements à ces installations, elles n'en sont pas moins corollairement en charge de fixer, par une réglementation adaptée à la configuration des ports concernés, des conditions d'utilisation de ces installations propres à assurer la sécurité des usagers et la protection des biens du domaine public maritime Dès lors, tant la jurisprudence que la doctrine ont toujours justifié la légalité des restrictions portées à l'action d'une entreprise privée face à un service chargé d'une mission de service public que ce soit sur le fondement de l'intérêt général, du bon fonctionnement du service, etc. [...]
[...] Le Conseil d'Etat avait alors à se prononcer sur la légalité des restrictions prises par l'autorité réglementaire d'une part, et sur l'encadrement de l'action publique dans le domaine économique d'autre part. La légalité des restrictions prises par l'autorité réglementaire La décision rappelle le principe applicable en la matière : si ces mêmes collectivités et personnes morales ne sont autorisées par aucune disposition législative à consentir aux entreprises chargées d'un service public de transport maritime le monopole de l'utilisation des ouvrages portuaires [ il leur appartient [ ] d'apporter aux armements chargés d'un tel service public l'appui nécessaire à l'exploitation du service et le cas échéant de leur accorder des facilités particulières pour l'utilisation du domaine public Le juge administratif admet traditionnellement que le gestionnaire du service public puisse limiter la concurrence des opérateurs économiques privés en soumettant leur activité à autorisation préalable (CE janvier 1932, Société des autobus antibois), et même puisse l'interdire de manière générale en instituant un monopole au profit de l'activité économique publique (CE novembre 1956, Société Désaveines). [...]
[...] Il a vérifié que cet encadrement a été bien justifié dans les faits en n'annulant que certaines dispositions contestées du règlement d'utilisation des installations du port, celles réservant uniquement aux compagnies privées l'obligation du respect de règles édictées dans l'intérêt de la sécurité des mouvements de navires et des passagers. Le Conseil d'Etat procède ainsi à une clarification du principe d'intervention de l'action publique dans le domaine économique et rappelle les limites qui s'imposent à cette intervention publique (II). I Le principe d'intervention de l'action publique dans le domaine économique L'intervention de la puissance publique dans le domaine économique peut se manifester par la voie de la réglementation ou en agissant directement (aides publiques, etc). [...]
[...] La différence réside dans le mode opératoire de l'administration et de l'appréciation du juge. Autrefois, la seule référence à l'intérêt général suffisait à justifier le traitement préférentiel accordé au service public (CE 16 avr.1986, Cie luxembourgeoise de télévision Dorénavant, l'administration, agissant sous le contrôle du juge, doit justifier l'adaptation des mesures à chaque situation particulière. Le Conseil d'Etat a donc définitivement abandonné la conception classique du droit administratif selon laquelle la référence à l'intérêt général suffit à justifier le traitement préférentiel accordé au service public et la mise à l'écart de la liberté du commerce et de l'industrie. [...]
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