Par le célèbre arrêt Jamart du 7 février 1936, le Conseil d'Etat reconnaît l'existence d'un pouvoir réglementaire d'organisation du service aux ministres, s'exerçant même sans fondement législatif. Si cette reconnaissance relève bien d'une nécessité pragmatique – une nécessité « biologique » même selon Jean Rivero dans sa note sous cet arrêt – il convient néanmoins de remarquer que les mesures prises sur ce fondement, en organisant le service, peuvent directement affecter les prérogatives ou conditions de travail des agents du service. Le juge, dans son office de contrôle de ces mesures, se doit alors de concilier deux exigences contradictoires : celle d'une liberté du ministre dans l'organisation du service d'une part, et celle de la protection des droits des agents d'autre part. C'est au cœur de cette subtile articulation qu'il convient de replacer l'arrêt commenté.
Le 16 mai 2000, le Garde de sceaux adresse aux directeurs régionaux des services pénitentiaires une note de service relative à l'exercice des droits de l'administration à l'égard des agents bénéficiant d'un congé ordinaire de maladie. Monsieur Marcel Ajolet, surveillant d'établissement pénitentiaire, ainsi que le syndicat Lutte Pénitentiaire (SLP), demandent au Conseil d'Etat, par un recours pour excès de pouvoir, l'annulation de cette note de service. La haute juridiction annule la note en tant qu'elle impartit un délai de 48 heures pour la réception par l'administration du certificat médical, et rejette le surplus des requêtes des requérants. Ce faisant, le juge administratif répond à de nombreuses questions du droit des congés de maladie des agents publics : il précise les critères du délai raisonnable dans lequel l'administration doit recevoir le certificat médical envoyé par un agent en appui d'une demande de congé de maladie, les conditions dans lesquelles l'administration peut procéder à une retenue de traitement pour absence irrégulière d'un agent, et enfin la possibilité pour l'administration d'apprécier le caractère abusif d'un congé de maladie même sans contre-visite médicale de l'agent. Mieux encore, s'il s'agissait bien pour le Conseil d'Etat de clarifier certains points du droit des congés de maladie des agents de l'administration, il s'agissait également de préciser les limites du pouvoir d'organisation du service que détient le ministre sur le fondement de la jurisprudence Jamart.
[...] Il faut en effet se garder de rigidifier la notion de délai raisonnable, comme l'affirment les conclusions de B. Genevois sur l'arrêt ministre des PTT précité et rappelées dans les conclusions de M. Guyomar sur l'arrêt commenté : Le recours à la notion de délai raisonnable de la demande ne doit pas déboucher une rigidité excessive. Le délai de présentation de la demande pourra être plus long si la gravité de la maladie dont souffre l'intéressé lui interdit ou lui rend difficile la possibilité même de présenter une demande. [...]
[...] Seul le refus de s'y soumettre est de nature à justifier l'interruption du versement de sa rémunération. (C'est nous qui soulignons). D'ailleurs, c'est parce qu'une telle solution rompt avec la logique du régime administratif des congés maladie qu'elle ne fut pas proposée par le commissaire du gouvernement dans ses conclusions conclusions qui n'ont pas été suivies par les sous-sections réunies sur ce point. Le commissaire concluait en effet à l'annulation de la disposition attaquée en considérant que la logique du régime de contrôle administratif des congés maladie repose sur la contre-visite. [...]
[...] La protection des agents dans l'administration semble ainsi réduite à sa plus simple expression : elle ne résultera alors que du caractère contradictoire de la procédure disciplinaire. Cette grande modération dans la protection des agents tranche clairement avec la jurisprudence, dont l'esprit est apparemment révolu, selon laquelle l'absence d'un agent en congé de maladie de son domicile n'est pas de nature à justifier légalement une sanction disciplinaire (CE 29 avril 1983, Ville de Tinqueux c. M. Devillers). La solution retenue est critiquable à plusieurs égards. [...]
[...] Néanmoins, le Conseil d'Etat avait accepté, dans certaines hypothèses, la recevabilité de certains recours, sans préciser par une formule générale et objective les conditions de cette recevabilité. Ainsi lorsque le statut des personnels d'un établissement public administratif est affecté par la transformation de celui-ci en établissement public industriel et commercial, tous les agents et, par conséquent, leurs organisations syndicales, sont recevables à se pourvoir devant le juge administratif (CE 16 décembre 1960, L'Herbier). Par l'arrêt commenté, le Conseil d'Etat pose de manière claire et objective les conditions de recevabilité des recours dirigés contre les mesures d'organisation du service, clarifiant ainsi le droit positif en la matière : les recours des agents publics sont recevables si les mesures d'organisation du service [portent] atteinte à leurs prérogatives ou [mettent] en cause l'application de leur statut Cette clarification permettra, de manière heureuse, d'éviter une inflation contentieuse des recours dirigés contre des mesures d'organisation du service qui ne porteraient pas atteinte aux prérogatives des agents et qui ne mettent pas en cause l'application de leur statut. [...]
[...] Tout d'abord, le Conseil d'Etat confirme que les certificats médicaux que produit un agent public en vue d'obtenir un congé de maladie doivent parvenir à l'administration dont il relève dans un délai raisonnable, exigence posée par la jurisprudence dans deux arrêts du Conseil d'Etat du 5 juin 1985, ministre des PTT c. Bartier, et du 31 mars 1989, Cté urbaine de Bordeaux Descot. Mieux, le Conseil d'Etat contrôle la durée du délai. Il ressort de l'arrêt que cette durée doit être suffisante pour permettre à l'agent de jouir effectivement du droit au congé de maladie : il s'agit de rendre ce droit effectif. [...]
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