Dans ses décisions, le Conseil d'État tente d'instaurer un équilibre entre les prérogatives de l'administration et les droits des administrés dans un but d'intérêt général, dans lequel s'inscrit notamment la préservation de l'environnement. Dans l'affaire Commune d'Annecy, sur laquelle le Conseil d'État a rendu un arrêt le 3 octobre 2008, il est question de l'application de la Charte de l'environnement, introduite dans la Constitution par la révision constitutionnelle du 1er mars 2005, tout comme la modification de l'article 34.
La commune d'Annecy, soucieuse de la protection de l'environnement, exerce un recours contre le décret. Le Conseil d'État doit donc déterminer si le décret du 1er août 2006, pris pour l'application de l'article L.145-1 du code de l'urbanisme est ou non conforme à la loi, mais aussi à la Constitution à laquelle est "adossée" la Charte. Mais afin de pouvoir déterminer la légalité du décret, il fallait avant tout savoir s'il avait à être conforme à la Charte de l'environnement, c'est à dire si ce texte avait une valeur constitutionnelle.
[...] Le pouvoir réglementaire n'avait aucune habilitation pour fixer cette procédure et c'est pourquoi le Conseil d'Etat l'a annulé pour incompétence. Le Conseil d'Etat protège donc la compétence du Parlement. Cette solution est conforme à la jurisprudence constitutionnelle, en effet, si le Conseil Constitutionnel a admis en 1980 (Blocage des prix et revenus) que le Parlement pouvait légiférer en dehors de son domaine de compétence a priori restreint par l'article 34, il a invalidé pour inconstitutionnalité une loi dans laquelle le Parlement renvoyait de manière trop importante à des décrets d'application (TDF 1985). [...]
[...] Le Conseil d'Etat choisit donc de suivre cette solution, et n'était pas lié. Cette solution, de faire primer la Charte de l'environnement par rapport aux règlements, paraît logique au vu de l'évolution de la jurisprudence administrative. Une solution logique dans la suite de la jurisprudence antérieure du Conseil d'Etat L'intégration de la Charte de l'environnement dans le bloc de référence du Conseil d'Etat Le conseil d'Etat a très tôt pris en compte les principes constitutionnels dans son bloc de référence. [...]
[...] En effet, dans sa décision du 19 juin 2008 relative à la loi sur les organismes génétiquement modifiés, le Conseil Constitutionnel a affirmé la valeur constitutionnelle de la charte en contrôlant la loi déférée par rapport aux dispositions du texte introduit en 2005. Il a ainsi introduit ce texte dans le bloc de constitutionnalité, bloc de référence pour son contrôle. Le Conseil d'Etat, lorsqu'il effectue un contrôle de légalité de l'action administrative dispose également d'un bloc de référence. Il suit donc le Conseil Constitutionnel en intégrant la Charte à ce bloc. [...]
[...] Le Conseil d'Etat annule donc un décret pour incompétence au regard de la Charte, ce contrôle s'inscrit dans son rôle de protecteur de la loi, des prérogatives du Parlement. Cette solution, si elle s'avérait logique au regard de la hiérarchie des normes et des anciennes décisions rendues par le Conseil d'Etat, n'était cependant pas certaine. En acceptant de conférer au texte une valeur constitutionnelle, le Conseil d'Etat non seulement affirme la supériorité de tous les textes du bloc de constitutionnalité, mais cherche à valoriser les pouvoirs du Parlement et à protéger l'intérêt des individus. [...]
[...] Trois ans après son introduction dans la Constitution, la Charte de l'environnement a une valeur juridique incertaine. Le Conseil d'Etat a décidé de suivre le Conseil Constitutionnel et de donner pleine application aux dispositions de la Charte. Il annule donc le décret, pris par une autorité incompétente. Cette solution affirme la consécration de la valeur juridique de la Charte de l'environnement et marque une volonté conciliation entre puissance publique et intérêts des administrés par la protection des pouvoirs du Parlement (II). [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture