Bien que le droit au logement soit inscrit dans la loi depuis plus de 20 ans, on estime qu'environ 3 millions de personnes souffrent actuellement de « mal logement », voire d'absence de logement. Ce paradoxe du droit au logement, en tant que droit consacré par les textes mais sans portée réelle sur le terrain, semble également s'appliquer devant les juridictions administratives, comme en témoigne l'ordonnance rendue par le Conseil d'Etat le 3 mai 2002.
En l'espèce, n'étant pas habilitées à assurer un hébergement de nuit, l'association de réinsertion sociale du Limousin et diverses organisations ont essayé d'obtenir du préfet de la Haute-Vienne qu'il assure le logement immédiat de familles se présentant au centre d'accueil géré par cette association en convention avec l'Etat. Face au refus de l'administration de réquisitionner des logements pour assurer de manière décente l'hébergement de réfugiés, les associations d'accueil ont saisi le juge administratif par une demande de référé liberté.
La question qui se pose pour les juges du Palais Royal est de savoir si le refus de l'administration de réquisitionner des logements pour assurer de manière décente le logement de réfugiés peut constituer une atteinte à un droit fondamental susceptible de trouver la protection du juge administratif de l'urgence dans le cadre des dispositions prévues à l'article L-521-2 du Code de justice administrative.L'une des questions susceptibles d'être posée à la lecture de cette ordonnance est de voir quelles sont les prérogatives du juge administratif quant à la notion de liberté fondamentale dans le cadre de la procédure du référé liberté instituée par l'article L 521-2 du Code de justice administrative.
[...] et Mme Fofana ont demandé au juge des référés de Paris, puis au Conseil d'État en appel d'enjoindre la ville de Paris et le préfet de Paris en vue de leur attribuer un logement social. La motivation du Conseil d'État, pour refuser à nouveau la consécration du droit au logement comme droit fondamental en ce que l'article L 521-2 lui serait applicable, est que les circonstances de l'espèce ne font apparaître aucune atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale par une personne morale de droit public dans l'exercice d'un de ses pouvoirs Ainsi, le juge des référés abandonne toute référence à la qualification du Conseil constitutionnel du droit au logement comme objectif de valeur constitutionnelle. [...]
[...] En ce sens, le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) de 1948 énonce à l'Article 25-1 que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux, ainsi que pour les services sociaux nécessaires De la même façon, le Pacte du 19 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels considère le logement comme un élément du droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille à rang égal avec l'habillement, la nourriture (art. 11-1). De manière plus ciblée, l'Organisation internationale du travail (OIT) s'est aussi préoccupée des conditions de logement des travailleurs à travers la convention signée à Genève, le 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants, ou encore la recommandation formulée à Genève, le 28 juin 1961 concernant le logement des travailleurs. [...]
[...] Le 3 mai 2002, le Conseil d'État par une ordonnance de référé a confirmé le jugement rendu par le tribunal administratif de Limoges, rejetant la requête de l'Association de réinsertion sociale du Limousin et des autres organisations. La haute Cour énonce ainsi que la demande de référé liberté contre le refus de l'administration de réquisitionner des logements pour assurer de manière décente l'hébergement de réfugiés ne peut prospérer aux motifs d'une part que si le Conseil constitutionnel a qualifié d'objectif à valeur constitutionnelle la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent il n'a pas pour autant consacré l'existence d'un droit au logement ayant rang de principe constitutionnel D'autre part, les stipulations relatives à l'accès des particuliers au logement qui sont contenues dans certaines conventions internationales ratifiées par la France ne créent d'obligations qu'entre les États parties à ces conventions et ne produisent pas d'effet direct à l'égard des personnes privées L'une des questions susceptibles d'être posée à la lecture de cette ordonnance est de voir quelles sont les prérogatives du juge administratif quant à la notion de liberté fondamentale dans le cadre de la procédure du référé liberté instituée par l'article L 521-2 du Code de justice administrative. [...]
[...] 521-2 du code de justice administrative ; Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les agissements du préfet de la Haute-Vienne ont pu porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit de mener une vie familiale normale garantie à toute personne ; Considérant, enfin, que les organisations requérantes n'apportent aucune précision au soutien de leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Vienne d'assurer un suivi médical et sanitaire des familles dont un enfant présente des signes de primo-infection ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les organisations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; O R D O N N E : Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION DE REINSERTJON SOCIALE DU LIMOUSIN et autres est rejetée. [...]
[...] L'argumentation des requérants consiste donc à dire qu'en refusant aux familles l'accès à un hébergement d'urgence, on empêche celles-ci d'exercer une liberté fondamentale, ce qui justifierait de déclencher les pouvoirs d'injonction du juge. À cet égard, la jurisprudence constitutionnelle a déjà eu l'occasion d'affirmer que le droit de mener une vie familiale normale, dont bénéficient tant les nationaux que les étrangers, était un droit créance constitutionnellement protégé. Le juge administratif quant à lui a accepté de protéger ce droit dans le cadre d'une procédure de référé liberté dans l'arrêt de Section rendu par le Conseil d'État le 30 octobre 2001, Ministre de l'Intérieur Mme Tliba qui énonce dans son considérant principal que le droit de mener une vie familiale normale constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. [...]
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