Depuis l'apparition de l'urbanisme dans l'entre-deux-guerres, l'administration se trouve face à un dilemme permanent : préserver le droit de propriété inviolable et sacré hérité de 1789 et mener à bien des opérations d'aménagement et de protection des espaces, qui impliquent inévitablement des atteintes portées à cette même propriété. C'est notamment le cas des servitudes d'urbanisme dont le principe est la non-indemnisation afin de ne pas enrayer les processus d'aménagement en faisant supporter à l'administration une charge trop lourde.
En l'espèce M. Bitouzet est propriétaire d'un ensemble de terrains classés au moment de leur achat par le plan directeur d'urbanisme intercommunal en zone d'habitation. Des plans d'occupation des sols approuvés en 1981 incluent l'ensemble de ses terrains en zone ND non constructible. M. Bitouzet voit ainsi sa propriété perdre une partie importante de sa valeur vénale et les aménagements d'ores et déjà effectués devenir inutiles. Il réclame donc à l'État réparation de son préjudice en saisissant le tribunal administratif de Versailles, qui rejette cette demande dans un jugement du 19 avril 1991.
Les exceptions au principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanismes posées par l'article 160-5 du code de l'urbanisme suffisent-elles à maintenir le « juste équilibre » exigé par la CEDH ?
[...] En l'espèce le cas du demandeur ne correspondait à aucune des deux exceptions puisque le classement de la zone en terrain non constructible n'avait ni entrainé une modification à l'état antérieur des lieux, ni porté atteinte à des droits acquis puisque M. Bitouzet n'avait encore demandé aucune autorisation d'aménagement du sol qui lui aurait conféré de tels droits. Le Conseil d'Etat juge que ces exceptions n'en excluent pas d'autres, basées cette fois sur le droit européen de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. [...]
[...] L'administration a opposé au requérant les dispositions de l'article L 160-5 du code de l'urbanisme, et le juge administratif a retenu qu'aucune des deux exceptions prévues par ledit texte comme donnant droit à indemnisation n'était présente en l'espèce. En effet, le classement antérieur des terrains du demandeur ne lui avait conféré aucun droit acquis et le nouveau classement n'avait entraîné par lui-même aucune modification à l'état antérieur des lieux. M. Bitouzet interjette appel, et se prévaut devant la cour administrative d'appel de Paris des dispositions de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. [...]
[...] Or il existe en matière de servitudes d'urbanisme un régime légal d'indemnisation exclusif de tout autre mode de réparation. L'article L 160-5 est une règle spéciale, qui écarte le droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration fondée sur le principe de la rupture de l'égalité devant les charges publiques. Cet article est donc applicable aux servitudes d'urbanisme à condition qu'un texte spécifique ne régisse pas leur indemnisation, comme c'est le cas par exemple des servitudes de passage le long du littoral prévues à l'article L 160-6 et indemnisées dans les conditions prévues à l'article L 160-7. [...]
[...] Conseil d'Etat juillet 1998 - les exceptions au principe de non- indemnisation des servitudes d'urbanisme Depuis l'apparition de l'urbanisme dans l'entre-deux-guerres, l'administration se trouve face à un dilemme permanent : préserver le droit de propriété inviolable et sacré hérité de 1789 et mener à bien des opérations d'aménagement et de protection des espaces, qui impliquent inévitablement des atteintes portées à cette même propriété. C'est notamment le cas des servitudes d'urbanisme dont le principe est la non- indemnisation afin de ne pas enrayer les processus d'aménagement en faisant supporter à l'administration une charge trop lourde. [...]
[...] En l'espèce le Conseil d'Etat juge qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que M. Bitouzet n'a pas subi de charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec les justifications d'intérêt général sur lesquelles reposait le document d'urbanisme Le conseil d'Etat parle de proportion , ce qui implique un contrôle de proportionnalité par le juge entre la charge pesant sur le propriétaire et l'objectif d'intérêt public. Cela signifie qu'une servitude d'urbanisme pourra faire peser sur la personne une lourde charge sans pour autant donner lieu à indemnisation, à partir du moment où cette charge n'est pas supérieure à l'objectif d'intérêt public revêtant une importance majeure. [...]
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