En l'espèce, il s'agissait d'un étranger malien séjournant en France, M. Koné, qui avait fait l'objet d'un mandat d'arrêt par les autorités maliennes pour les infractions de « complicité d'atteinte aux biens publics et enrichissement illicite », eu égard à des transferts de fonds provenant d'un trafic d'hydrocarbures. L'Etat malien avait ainsi fait une demande d'extradition de son ressortissant, demande qui fut accueillie et accordée par le gouvernement français. Mr Koné avait alors demandé l'annulation du décret du 17 mars 1995 accordant son extradition au Mali, se fondant sur les dispositions de la loi du 10 mars 1927 réglant l'extradition des étrangers, sauf convention particulière, et interdisant l'extradition dans un but politique.
Les dispositions d'une convention internationale peuvent-elles être interprétées au regard d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) créées par le Conseil d'Etat ?
[...] La solution du CE de créer ce nouveau PFRLR en matière d'extradition se laissait cependant présager. En effet, le CE avait été saisi le 9 novembre 1995 dans sa fonction consultative pour répondre à des questions adressées par le premier ministre. Il avait alors proposé la création du PFRLR selon ces termes : eu égard à la constance et à l'ancienneté de la règle exprimée par la loi de 1927 et par les conventions signées par la France, le principe selon lequel l'Etat doit se réserver le doit de refuser l'extradition pour les infractions qu'il considère comme des infractions à caractère politique constitue un PFRLR, ayant à ce titre valeur constitutionnelle et vertu du Préambule de la Constitution de 1946 Ainsi, de par cet avis, on peut noter que les critères d'identification d'un PFRLR posés par le Conseil Constitutionnel sont bien remplis : l'importance et la constance. [...]
[...] On peut alors dire qu'il a interprété le traité conformément au principe constitutionnel posé par le PFRLR. a. L'interprétation du traité conformément au PFRLR : un bouleversement de la hiérarchie des normes Le CE se montre disposé à écarter si besoin les dispositions d'une convention en vigueur au bénéfice de la constitution. C'est une conséquence sur la hiérarchie des normes. L'article 55 de la Constitution dispose que les traités ou accords ( ) ont une autorité supérieure à celle des lois ( ) Le traité aurait donc dû s'appliquer en l'espèce. [...]
[...] Enfin, ce PRRL est audacieux de par la nouveauté qu'il consacre : l'ajout de la clause française de non-extradition politique. Il est vrai que, comme on l'a vu, le droit de l'extradition est régi par la loi de 1927, sauf convention applicable qui est ici l'accord de coopération franco-malien. Cet accord prévoyait déjà la non-extradition si cette dernière était requise pour infraction politique mais la loi de 1927 ajoute à cette condition qu'elle ne sera pas non plus exécutée si elle est demandée dans un but politique De plus, l'accord ne réservait qu'une simple faculté de ne pas extrader alors que l'Etat est placé en situation de compétence liée par ce nouveau PFRLR. [...]
[...] La consécration postérieure et explicite de la suprématie de la Constitution Deux ans après la solution Koné, l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat en date du 13 octobre 1998, nommé Sarran, Levacher et autres consacra explicitement la place de la Constitution dans la hiérarchie des normes. Le Conseil d'Etat dans l'arrêt Sarran estime que la suprématie conférée par l'article 55 aux traités sur les lois ne s'applique pas aux dispositions de nature constitutionnelle En effet, le juge administratif, juge interne, se veut garant de la constitution sur le traité. On illustre ici parfaitement que l'arrêt Koné a été le précurseur d'une affirmation claire de la supériorité de la Constitution sur les traités et engagements internationaux, qui restent quant à eux supérieurs à la loi interne. [...]
[...] Le Conseil d'Etat a écarté sur le fond une règle internationale au profit d'une règle constitutionnelle. Car là était bel et bien l'objectif : voyant que la loi interne du 10 mars 1927, depuis l'arrêt Nicolo précité, devait céder le pas, à cause de son infériorité dans la hiérarchie des normes, à l'accord international, le CE a créé un PFRLR afin de soumettre ce dernier et le rendre inapplicable directement. Ainsi, cet arrêt ne pourrait être qu'une transposition de l'art qui déclare que Si le Conseil Constitutionnel ( ) a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution Ainsi, la création du PFRLR pourrait être considérée comme un procédé mis au point afin d'arranger la contrariété entre les deux normes, en les rendant compatibles l'une avec l'autre, par l'action de couler la norme internationale dans la norme constitutionnelle. [...]
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