Conseil d'État du 28 octobre 2020, arrêt Charbit, droit d'opposabilité, doctrine administrative, contrôle fiscal, article L 64 du livre des procédures fiscales, risque d'insécurité juridique, article L 80 A du Livre des procédures fiscales, fraude fiscale, affaire dite des fonds turbo, BOFIP Bulletin Officiel des Finances Publiques, article L 64 LPF Livre des Procédures Fiscales, montages artificiels, théorie de l'abus de bien, article 150-0 D bis du CGI Code Général des Impôts, jurisprudence de la CJUE Cour de Justice de l'Union Européenne
« La couture est l'architecture du mouvement ». Ces mots prononcés par Pierre Balmain ont sans doute connu un écho particulier, tel un mirage, dans les couloirs du Palais Royal le 28 octobre 2020. À cette date, le Conseil d'État a rendu son arrêt d'assemblé Charbit se rapportant à une architecture bien différente, un montage fiscal dans lequel était associée une célèbre maison de haute couture française.
Le 25 mai 2010, un associé, détenant 1,053 % du capital de la société anonyme Balmain, a cédé une partie de ses actions à une société civile immobilière, détenue indirectement par l'un de ses proches collaborateurs. Cette cession a eu pour effet de ramener son pourcentage de détention de la SA à 0,97 %. Le lendemain, soit le 26 mai 2010, l'associé a cédé la totalité de ses actions d'une SAS, dont il était le dirigeant, à la SA Balmain. Dans le cadre de cette cession, l'associé a réalisé une plus-value sur laquelle il a appliqué un abattement en application des dispositions des articles 150-0 D bis et 150-0 D ter du code général des impôts. Le 5 juin 2013, soit trois ans et dix jours après la cession des titres de la SAS à la SA, l'associé et sa femme ont acquis pour trois euros la totalité des parts de la SCI à laquelle il avait précédemment vendu ses actions de la société Balmain.
[...] Ainsi, cette notion, marquée par une forte marge d'appréciation, laisse transparaître de futurs recours devant le Conseil d'État. Néanmoins, cette limite de l'abus de droit n'est pas non plus absolue puisque la solution de la haute juridiction administrative fait peser sur l'administration la charge de la preuve. C'est à cette dernière qu'il revient de démontrer, par des éléments objectifs, que la situation litigieuse caractérise un montage artificiel. L'abus de droit admet donc des limites dans son application à la garantie doctrinale. [...]
[...] Étant à l'origine de l'erreur du contribuable, l'administration ne peut lui reprocher sa faute. Cette dernière n'a été en effet possible que par l'application des enseignements donnés par l'administration elle-même. L'opposabilité de la doctrine viciée constitue alors un atout clef pour le renforcement de la sécurité juridique. Le contribuable est protégé face aux erreurs que peut commettre l'administration. Dès lors que cette protection existe, le Conseil d'État encourage l'instauration d'une relation de confiance. L'arrêt Charbit, en confirmant cette solution, renforce alors la garantie qui figure à l'article L A du Livre des procédures fiscales en vertu duquel la loi protège le contribuable des changements d'interprétation des textes fiscaux par l'Administration. [...]
[...] Néanmoins, malgré l'affirmation de l'opposabilité de la doctrine viciée, l'arrêt Charbit est, en réalité, loin de consacrer une garantie absolue au profit du contribuable puisqu'il consacre une limite importante à ce mécanisme. B. L'abus de droit sonnant le glas d'une garantie absolue Alors que l'avis rendu en 1998 rejetait le recours à la procédure de répression des abus de droit, le Conseil d'État consacre désormais la possibilité d'appliquer l'article L du livre de procédures fiscales au mécanisme garanti par l'article L A LPF. Néanmoins, dans un premier temps, l'arrêt du 28 octobre écarte l'idée d'un abus de la doctrine. [...]
[...] Ainsi, il n'est pas admis qu'un contribuable puisse abuser de la doctrine administrative au sens d'un abus de droit. Contrairement à l'arrêt d'appel, le Conseil d'État rappelle donc que la doctrine administrative ne saurait constituer une « décision » au sens de l'article L LPF. Ce choix des juges administratifs peut être salué en ce qu'il est impensable de conférer à la doctrine administrative une valeur équivalente à celle de la loi ou d'un règlement. En outre, la doctrine n'a pas vocation à s'interpréter, mais, bien au contraire, à permettre l'application et l'interprétation commune de la loi fiscale. [...]
[...] Cette affaire interroge l'articulation de la garantie que constitue l'opposabilité de la doctrine avec la théorie de l'abus de droit. Ces deux mécanismes semblent alors s'opposer en jonglant avec la sécurité juridique des contribuables. Alors que l'opposabilité de la doctrine administrative figurait comme une garantie absolue, ayant fait face à l'épreuve du temps, l'arrêt du 28 octobre 2020 la fragilise en se fondant sur la théorie de l'abus de droit Le risque d'insécurité juridique causé par cette remise en cause se justifie néanmoins par la bataille française livrée depuis des années contre la fraude fiscale (II). [...]
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