Monsieur Magiera avait engagé une procédure contre l'Etat et la société La Limousine, laquelle avait abouti par la décision du tribunal administratif de Paris du 24 juin 1999 au versement d'une somme importante. Il avait alors introduit une seconde instance motivée par la lenteur de la procédure. La Cour administrative d'appel de Paris avait alors prononcé dans un arrêt du 11 juillet 2001 la condamnation de l'Etat au paiement d'une indemnité pour la réparation des troubles de toute nature subis par le requérant du fait de la lenteur de la procédure. Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, avait alors formé un pourvoi devant la Haute juridiction.
La question qui se posait pour les juges du Conseil d'Etat était de savoir dans quelle mesure la responsabilité de l'Etat pouvait être engagée du fait de la justice administrative au regard de l'exigence du délai raisonnable affirmée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En effet, par cette interrogation, les juges de la juridiction administrative cherchaient encore une fois à dessiner les contours de la responsabilité de l'Etat du fait de la justice administrative, en s'intéressant plus particulièrement à des questions procédurales.
[...] Les répercussions sur la responsabilité du fait de la justice administrative Les principes énoncés dans l'arrêt Magiera concernant la responsabilité de l'Etat du fait de la justice administrative au regard du délai raisonnable se sont vus étayés par différentes jurisprudences relatives à ce thème. Avant d'aborder ces arrêts, il faut mentionner l'affaire Lutz contre France jugée par la Cour européenne des droits de l'homme deux jours avant la décision étudiée, le 26 juin 2002. En l'espèce, les juges avaient apprécié la durée de la procédure dont se plaignait le requérant dans le cadre de la responsabilité du fait du fonctionnement des institutions juridictionnelles et normatives. [...]
[...] L'arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat en date du 28 juin 2002 s'intéresse très précisément à la question de la responsabilité de l'Etat du fait de la justice administrative au regard de la durée de la procédure. En l'espèce, Monsieur Magiera avait engagé une procédure contre l'Etat et la société La Limousine, laquelle avait abouti par la décision du tribunal administratif de Paris du 24 juin 1999 au versement d'une somme importante. Il avait alors introduit une seconde instance motivée par la lenteur de la procédure. [...]
[...] Pour ce faire, il procède à une énumération des différents préjudices pouvant trouver réparation, tels que la «perte d'un avantage ou d'une chance», reconnaissance tardive d'un droit», «les désagréments provoqués par la durée abusivement longue d'une procédure lorsque ceux-ci ont un caractère réel et vont au- delà des préoccupations habituellement causées par un procès, compte tenu notamment de la situation personnelle de l'intéressé». En l'espèce, le juge a ainsi retenu que les dommages mis en évidence par le requérant constituaient de tels désagréments anormaux, et impliquaient donc que l'Etat en donne réparation. En dressant la liste des éventuels préjudices pouvant donner lieu à une obligation de réparation de la part de l'Etat, le juge administratif prétend fonder son analyse sur des critères précis, des catégories strictes de dommages pouvant avoir la qualité de préjudice indemnisable par la puissance publique. [...]
[...] De la même manière, des dispositions législatives sont intervenues en la matière, puisqu'un décret du 28 juillet 2005 prévoit désormais que le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre l'Etat pour une durée excessive de la procédure devant la jurisprudence administrative. Une telle disposition a pour objet d'éviter une nouvelle durée excessive de jugement pour l'instance relative à la réparation des dommages causés par la première instance, caractérisée par un délai déraisonnable. [...]
[...] Ce principe codifié par le législateur découle bien entendu de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui, dans l'arrêt Darmont de 1978, avait admis que l'Etat pouvait voir sa responsabilité engagée du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice administrative en cas de faute lourde. La faute lourde avait été définie par la Cour de cassation dans la tragique affaire Grégory Villemin comme «toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi». [...]
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