‘'Le droit au juge ne permet de combattre la lenteur du procès que s'il est renforcé par le fer de lance de l'effectivité. Le recours ne serait effectif que s'il est traité dans un délai raisonnable''. Ce chassé-croisé, expliqué par le professeur Joël Andriantsimbazovina dans une étude qu'il a réalisé en 2003, démontre la complexité d'une affaire qui, en apparence, ne semble pas si innovante.
En l'espèce, M. Magiera a obtenu, lors d'un premier procès, une indemnisation de 78264 francs en raison du préjudice matériel dont il a été victime du fait de travaux réalisés sur la voie publique par la société La Limousine. Mais, n'ayant eu la réponse à sa demande, de la part du premier tribunal, le tribunal administratif de Versailles, que sept ans et six mois après l'avoir introduite, et bien que ce tribunal lui ait donné raison, M. Magiera s'est estimé lésé du fait de cette étonnante lenteur. Il a donc introduit un second recours afin de percevoir une somme d'argent pour la réparation du préjudice consécutif à ce lourd retard.
Cependant, c'est plutôt la question de l'effectivité du recours effectif qui doit être posée car, s'il existe en théorie, remplit-il sa fonction première, à savoir celle de protéger les administrés ?
[...] C'est ainsi que le juge administratif suprême tempère la jurisprudence Darmont, puisqu'il abandonne l'exigence d'une faute lourde pour une seule des quatre catégories de décisions vues précédemment. L'essentiel de la jurisprudence Darmont est donc toujours en vigueur. Il y a donc désormais, non plus deux, mais trois situations juridiques différentes en ce qui concerne l'engagement de la responsabilité d'une juridiction du fait de la lenteur de ses services juridictionnels, à savoir : l'absence de recours si la décision est entrée en chose jugée, l'exigence d'une faute lourde pour les trois catégories vues brièvement et donc, l'apport de l'arrêt Magiera, c'est à dire l'exigence d'une faute simple en cas de dépassement des délais raisonnables de jugement. [...]
[...] Autrement dit, le recours ouvert par la jurisprudence Darmont, du fait notamment de l'exigence d'une faute lourde, était, jusqu'alors, clairement inopérant. Sous peine de continuer à être condamnée, la France, par l'intermédiaire de sa haute juridiction administrative, se devait donc de se doter d'un recours effectif, empiriquement parlant, et pas seulement théoriquement, afin de garantir cette protection des administrés, trame de fond de chaque décision rendue. Le Conseil d'Etat met donc en place un véritable recours effectif, au vu, notamment, de la jurisprudence Kudla contre Pologne et de critères très largement inspirés de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. [...]
[...] De plus, le juge administratif précise que les dommages doivent revêtir les caractères de ‘'directs et certains''. En se plaçant sur le terrain de la responsabilité pour faute, il exige donc, d'une part, un lien de causalité entre la faute et le dommage, et, d'autre part, refuse d'indemniser toute éventualité. Malgré cette avancée non négligeable, l'isolement de ce régime juridique particulier de la faute simple en matière de délai de jugement déraisonnable apparait comme contradictoire avec la volonté du Conseil d'Etat de responsabiliser l'administration pour faire figure de bon élève aux yeux de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. [...]
[...] L'article : un droit au jugement dans un délai raisonnable L'article de la CEDH est, de loin, la disposition la plus connue par le droit administratif. En effet, il impose le respect, par les juges nationaux, du droit à un procès équitable pour tous les citoyens. S'il détaille, dans son ensemble, les diverses obligations à respecter pour un pays en ce qui concerne le droit à ce procès équitable, il convient de s'attarder sur le paragraphe 1 qui dispose que ‘'toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle'' et que ‘'le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exige, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice''. [...]
[...] De plus, cela permet également de démontrer la précision de toutes ces dispositions. Parmi elles, il convient de commenter un point de cet article, objet du litige en l'espèce, à savoir la question du délai raisonnable. Le Garde des Sceaux soutient, en effet, que la responsabilité de l'Etat ne peut ‘'automatiquement être engagée dans le cas où la durée d'une procédure aurait été excessive''. Autrement dit, il semble nier une disposition de cet article de la CEDH qui a donné lieu, par le passé, à de nombreuses condamnations de la France, comme, par exemple, celles causées par la violation du principe d'impartialité et sur la méconnaissance du principe du contradictoire en raison du rôle ambigu du commissaire du gouvernement (arrêt Kress du 7 juin 2001). [...]
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