Arrêt Heyriès (n 63412) du 28 juin 1918, Conseil d'Etat, Première Guerre mondiale, article 65 de la loi du 22 avril 1905, principe de légalité, l'article 3 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, ministère de la guerre, commentaire d'arrêt
Dans le cas d'espèce ici jugé et rapporté par le Conseil d'Etat en date du 28 juin 1918, l'arrêt Heyriès (n 63412) fut rendu à la fin de la Première Guerre mondiale (1914-1918) pour des faits qui pour leur part se sont déroulés lors de cette guerre. En effet, un décret fut pris le 10 septembre 1914 par lequel le gouvernement avait décidé de ne plus appliquer une loi datant du 22 avril 1905 et plus précisément son article 65 qui trouvait à s'appliquer aux fonctionnaires civils de l'Etat. Cet article disposait qu'en cas de sanction disciplinaire à l'encontre d'un fonctionnaire (civil d'Etat), celui-ci avait le droit de se voir communiquer son dossier pour le cas une mesure disciplinaire devait être prise à son encontre.
Or le sieur Heyriès, ancien cartographe et dessinateur civil du génie militaire ayant été révoqué le 22 octobre 1916 par le ministre de la guerre n'a pas obtenu la communication de son dossier alors qu'il a fait l'objet d'une sanction, d'une mesure disciplinaire, celui-ci ayant en effet été révoqué. Il aurait dû, selon les dispositions renfermées au sein de cet article 65 de la loi du 22 avril 1905, et de façon préalable s'être vu la communication de son dossier. Manifestement, il s'agit ici d'une atteinte aux droits de la défense.
[...] Comment concilier le principe de continuité du service public avec des événements exceptionnels de crise, mais aussi de guerre ? Quelle est l'étendue des pouvoirs attribués aux autorités administratives et autres pouvoirs publics en pareille période ? Il convient alors de se demander dans quelle mesure il a été possible pour le pouvoir réglementaire d'agir et donc de suspendre une loi. Si un décret décidant de la suspension de l'application d'une loi apparaît a priori illégal la solution apportée au litige diffère notamment lorsque le pays traverse une période de guerre (II). [...]
[...] Ensuite, le Conseil d'État poursuit l'interprétation de la loi constitutionnelle notamment dans le cas connu par lui le 14 mai 1920. En outre et plus précisément au regard des circonstances exceptionnelles, et cette théorie jurisprudentielle encore naissante, le juge administratif suprême la continua également notamment dans son arrêt du 12 juillet 1969, Chambre de commerce et d'industrie de Saint-Étienne, ou encore quelques mois après avoir rendu l'arrêt rapporté, le 28 février 1919 dans l'arrêt Dames Dol et Laurent qui prévoira notamment la reconnaissance explicite de la théorie et énoncera les circonstances de temps, mais aussi de lieu concernant la liberté de circuler. [...]
[...] Ainsi par un décret, il a été décidé la suspension de l'application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905. Celui-ci prévoit que l'agent se voit remettre son dossier préalablement à toute mesure disciplinaire à son encontre. Jusque-là, il n'existe pas de difficulté particulière : le pouvoir exécutif ne peut pas prendre de mesure de suspension à l'encontre d'une disposition législative. En période normale, la solution qu'aurait adoptée le Conseil d'État aurait été celle d'annuler le décret ainsi pris en raison de l'incompétence du pouvoir exécutif. [...]
[...] Conseil d'Etat juin 1918 L'arrêt Heyriès Le droit a pour ambition et pour finalité d'organiser la vie en société. Certaines circonstances toutefois nécessitent d'adapter le principe de légalité. En d'autres termes, en droit français, il existe une légalité spéciale. Il existe en droit administratif français des textes prévoyant un état d'exception, de crise en raison de circonstances spéciales. Or il est arrivé que le juge intervienne effectivement en l'absence même de texte. C'est ainsi qu'a été bâtie la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles qui intervient a posteriori, et donc après qu'a été adoptée la mesure dont il est fait grief face au juge administratif français lorsque celui-ci s'estime lésé par la décision en question. [...]
[...] En fait, la logique est inversée. Cette inversion est expliquée par le Conseil d'État comme résidant dans une permutation des places respectives accordées aux lois : celles qui en temps normal, ordinaire, de paix se situent au second plan passent au premier plan et inversement. Alors, les lois protégeant les intérêts et le fonctionnement de l'État priment en tant de crise et de guerre comme dans l'arrêt d'espèce sur la liberté individuelle et les lois garantissant ces libertés. Les juges vont plus loin encore puisqu'ils prévoient qu'en période d'hostilités, trois conditions cumulatives sont à rencontrer pour que soit valable cette entorse au principe de légalité et donc la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles. [...]
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