A période d'exception légalité d'exception. En effet il est difficile dans certains cas, comme les périodes de guerres pour les autorités administratives de respecter la légalité tout en garantissant l'ordre public. C'est pourquoi le contenu de la légalité peut, en circonstances exceptionnelles, être assoupli. En effet deux lois, outre l'article 16 de la constitution, ont retenu l'idée de circonstances exceptionnelles : celle sur l'état de siège du 9 août 1849 et celle sur l'état d'urgence du 3 avril 1955.
En l'espèce le préfet maritime de Toulon a pris trois arrêtés en date des 9 avril, 13 mai et 24 juin 1916 par lesquels il a interdit, d'une part, a tous propriétaires de cafés, bars et débits de boisson de servir à boire à des prostituées sous peine de fermeture de l'établissement et d'autre part, à celles-ci de racoler en dehors du quartier réservé et de tenir un débit de boissons ou d'y être employée à titre quelconque. Ces arrêtés avaient 2 objectifs : protéger la santé des militaires qui revenaient du front d'Orient ou de ceux qui s'apprêtaient à partir et éviter les risques d'espionnage dans la place forte qu'était Toulon.
Dames Dol et Laurent, se disant filles publiques, ont alors déféré ces arrêtés préfectoraux au Conseil d'Etat et en demandent l'annulation pour excès de pouvoir car ils portent atteintes à leur liberté individuelle et à la liberté du commerce des débitants qui les reçoivent.
Dans quelles mesures des arrêtés, pris par un préfet maritime, portant gravement atteinte aux libertés individuelles de "filles publiques" et à la liberté du commerce de débiteurs de boisson, peuvent t-ils être légaux ?
[...] Cette atteinte au principe de légalité, même justifiée par les circonstances exceptionnelles, ne peut se faire que sous le contrôle et l'appréciation du juge. II Le contrôle et l'appréciation du juge Il appartient au juge de vérifier si les conditions d'application de la théorie des pouvoirs de guerre étaient remplies En l'espèce il a estimé que le préfet avait fait un usage "légitime" de ses pouvoirs Le contrôle des conditions d'application de la théorie des pouvoirs de guerre " Qu'il appartient au juge, sous le contrôle duquel s'exercent ces pouvoirs de police, de tenir compte, dans son appréciation, des nécessités provenant de l'état de guerre, selon les circonstances de temps et de lieu, la catégorie des individus visés et la nature des périls qu'il importe de prévenir " Ici le CE pose implicitement 3 conditions pour l'application de la théorie des pouvoirs de guerre. [...]
[...] Le CE ne juge pas l'utilisation de ses pouvoirs légale mais légitimes. Ce n'est pas la norme qui justifie ces arrêtés mais c'est la situation exceptionnelle. Ici le juge fait donc un contrôle d'opportunité, il ne se cantonne plus au simple contrôle minimum qui est le seul existant aux yeux de la jurisprudence en 1919. En effet pour juger légitime une décision le juge doit bien apprécier l'opportunité de celle-ci. Le CE n'a donc, en fait, pas attendu l'arrêt "ville nouvelle est" pour effectuer un tel contrôle. [...]
[...] Le préfet maritime de Toulon a pris ces arrêtés principalement en vertu des articles 7 et 9 de la loi du 9 août 1849 relative à l'état de siège et l'article 97 de la loi du 5 avril 1884. L'article 7 de la loi de 1849 dispose qu'aussitôt l'état de siège déclaré, les pouvoirs dont l'autorité civile était revêtue pour le maintien de l'ordre et de la police passent tout entier à l'autorité militaire. Dans une telle situation l'autorité civile pouvait agir en vertu de la loi du 5 avril 1884 mais ne lui permettait en aucun cas d'interdire les propriétaires de débit de boisson de servir à boire à des prostituées ni à celles-ci de tenir un débit de boisson ou d'y être employée. [...]
[...] Dans l'arrêt Dol et Laurent le CE ne pouvait pas interpréter la loi de 1849 car absolument aucune disposition de celle-ci ne permettait au préfet de porter ainsi atteinte aux libertés individuelles et du commerce. En temps de paix l'autorité civile ne pouvait pas interdire aux propriétaires de débits de boissons de servir à boire aux prostituées ni à celle-ci de tenir un débit de boisson ou d'y travailler. Dans ce cas, donc, il ne suffit plus au CE d'interpréter une disposition de la loi pour légalement justifié les arrêtés du préfet car ni dans la loi de 1849 ni dans celle du 5 avril 1884 il n'y a des dispositions qui autorisent, implicitement ou expressément, qui autorisent de telles mesures. [...]
[...] Le CE, dans l'arrêt Delmotte du 6 août 1915, s'était déjà prononcé sur l'application de cette loi particulière relative à l'état de siège. L'article 9 de cette loi avait permis à l'autorité militaire de fermer des débits de boisson dans lesquels il y avait eu des incidents. Cependant cette loi avait pour seul effet de transférer à l'autorité militaire les pouvoirs exercés en temps normal par les autorités civiles, de plus l'autorité civile n'avait pas dans ses prérogatives le pouvoir d'une telle fermeture. [...]
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