En l'espèce Monsieur P. et autres exercent une profession soumise à l'article 49 de la loi de sécurité financière du 1er août 2003. Ayant commis des irrégularités dans l'exercice de leur profession en 2001 et 2002, ils font l'objet de poursuites disciplinaires engagées par le conseil de discipline de la gestion financière en vertu des dispositions législatives précitées. Insatisfaits, ils portent l'affaire devant la commission des sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers qui les condamne à une interdiction d'exercice temporaire de leur profession ainsi qu'une forte sanction pécuniaire. Ils décident par la suite de former un recours de plein contentieux devant le Conseil d'État comme les textes les y autorisent.
Ainsi, il convenait de s'interroger sur le fait de savoir si l'article 6 était applicable, article 6 qui, dans son paragraphe 1 ne réserve l'application qu'aux procédures menées devant un tribunal (juridiction) indépendant et impartial , constitués par la loi pour décider des contestations des droits et obligations à caractère civil ou du bien-fondé de toute accusation en matière pénale.
[...] Pour ce faire, les requérants arguent du fait que l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (ci après CESDHLF relatif au droit au procès équitable n'aurait pas été respecté devant la commission des sanctions. De manière plus précise, ils mettent en exergue une violation des stipulations contenues dans le paragraphe 3 de l'article 6 relatif au droit d'être informé dans un délais raisonnable des griefs, de disposer d'un temps suffisant pour préparer sa défense et d'être assisté d'un avocat, enfin, de la possibilité de faire interroger des témoins à décharge dans les même conditions qu'un témoin à charge. [...]
[...] Cette volonté, semble s'inscrire dans un cadre plus large de réticence du juge administratif à appliquer la jurisprudence strasbourgeoise, signe qu'il n'est plus le seul maître du procès administratif. Une solution au cœur des tensions entre le Conseil d'Etat et la CEDH Depuis la fin des années 1980, force est de constater que les problématiques du procès équitable, de l'application du droit de la convention est assez épineux en matière administrative, source de tensions dont le point d'orgue est sans aucun doute la remise en cause du commissaire du gouvernement (aujourd'hui rapporteur public) sinon dans son institution, du moins dans son fonctionnement (CEDH 2001 Kress c/France). [...]
[...] Ceci signifie donc que la procédure suivie doit être contradictoire, la décision devant être prise de manière collégiale et motivée. Enfin, la nature de l'action devant le Conseil d'Etat étant très importante. Pour retenir le critère juridictionnel, le recours doit en principe être un recours en cassation (CE Sect Syndicat normand de la filature du coton). C'est en réalité ce dernier critère qui manque en l'espèce, le conseil relevant que les décisions ( ) prises par la commission des sanctions de l'AMF sont soumises au contrôle de pleine juridiction du Conseil d'Etat«. [...]
[...] Effectivement, la CEDH donne une définition relativement large dans sa jurisprudence reprenant l'essentiel des critères internes (CEDH 1987 H. c/Belgique), mais retient également une conception matérielle, pour qualifier des organismes de juridictions au sens de la convention alors qu'ils ne le sont pas au regard de notre droit interne. Ainsi, sont considérés comme juridictions les différents organes dont les décisions revêtent une coloration pénale eu égard à leur caractère punitif et leur sévérité (CEDH 1994 Bendenoun c/France). Par ailleurs, la CEDH ne s'estime nullement liée par les qualifications nationales (CEDH 1971 Ringeisen). [...]
[...] De cette réponse découlera l'applicabilité des stipulations de l'article 6. Le Conseil d'Etat adopte une solution assez paradoxale, car si la commission doit-être regardée comme décidant du bien fondé d'accusations en matière pénale elle n'est pas pour autant une juridiction au sens du droit interne. Ceci explique donc que la circonstance que la procédure suivie ne serait pas en tout point conforme aux prescriptions de l'article n'est pas de nature à entrainer dans tous les cas une méconnaissance du droit au procès équitable La haute juridiction annule par la suite la procédure après avoir vérifié-selon les allégations des requérants- que la cause de ces derniers n'avait pas été équitablement entendue eu égard au fait qu'un des membres de la commission entretenait des relations particulières avec un des requérants violant le principe d'impartialité. [...]
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