En l'espèce, M. A était procureur de la République auprès du tribunal de grande instance de Bayonne et, à l'occasion d'un déplacement professionnel afin de participer à une conférence des procureurs généraux d'Europe ayant trait à l'éthique, ce dernier a dérobé à un fonctionnaire international présent une carte bancaire et l'a utilisée à deux reprises comme moyen de paiement dans un bar de nuit. En outre, il apparaît également que l'intéressé a fait preuve de nombreuses insuffisances professionnelles dans le cadre de sa fonction.
Ainsi, les faits imputés à M. A qui ont motivé sa révocation ont fait l'objet d'une action en justice afin d'engager sa responsabilité pénale, procédure sur laquelle nous ne nous étendrons pas. En revanche, nous nous focaliserons sur son action en justice par la voie administrative. En effet, contestant la décision prise par la garde des Sceaux, M. A a alors saisi le Conseil d'État d'un recours en excès de pouvoir tendant à l'annulation de la décision susmentionnée et du décret lui ayant fait suite.
Au regard d'une telle situation, se pose à nous la question de savoir si, et dans quelle mesure, le juge administratif est compétent pour apprécier, et le cas échéant annuler, la décision du ministre de la Justice portant révocation d'un magistrat du parquet.
[...] Enfin, il existe une dernière intensité dans le contrôle de la qualification juridique des faits que l'on qualifie généralement de contrôle maximum qui est un contrôle par lequel le juge va au-delà de la simple qualification juridique des faits puisqu'il apprécie non seulement cette opération intellectuelle effectuée par l'administration mais également les effets de celle-ci sur le justiciable, afin de vérifier que ceux-ci sont bien adéquats, nécessaires et proportionnés. C'est par exemple le contrôle effectué en matière de police avec l'arrêt Benjamin de 1933 ou encore en matière de déclaration d'utilité publique avec notamment l'arrêt Ville nouvelle est de 1971. Ce qu'il convient ici de noter est le terme proportionnalité. En effet, c'est entre autres au regard de cette proportionnalité que le juge administratif sera appelé à se prononcer. [...]
[...] Tel fut aussi le cas en 2003 avec l'arrêt Stivilonic. En ce sens, il nous est permis d'affirmer que, d'une manière générale, la compétence du juge administratif à connaître des sanctions édictées par l'administration, aussi bien dans un domaine répressif que disciplinaire, est historique en ce que de tels litiges ont toujours relevé de juges de plein contentieux, juge jouissant de la faculté de réformer de tels actes. Cependant, pour bien cerner un tel contrôle intervenant quant aux sanctions édictées en matière disciplinaire pour les agents de la fonction publique, il faut sans doute rappeler la loi du 13 juillet 1983 qui dispose en son article 29 que “toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale”. [...]
[...] Pourtant, dans ces domaines que l'on qualifiait avant de “haute police”, l'arrêt que nous connaissons ici en l'espèce ne semble pas consacrer un contrôle plein et entier. En effet, bien que l'arrêt association Ekin de 1997 rendu par la section du Conseil d'État ait pu laisser présager d'une telle ouverture, il n'en est rien et le Conseil d'État entend ici encore ménager certains équilibres puisqu'il estime qu'il doit censurer le choix d'une sanction disproportionnée. Cette idée de contrôle de proportionnalité en matière de sanctions se retrouve également dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, se fondant sur l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatif au principe de la nécessité et de la proportionnalité des peines, a considéré que toute sanction ayant un caractère de punition doit ainsi être contrôlée même si le législateur a laissé le soin de prononcer une telle sanction à une autorité non judiciaire. [...]
[...] 761-1 du Code de justice administrative. Il apparaît ainsi qu'à travers cet arrêt, la haute juridiction de l'ordre administratif est venue souligner sa compétence à connaître de la contestation en excès de pouvoir des sanctions disciplinaires édictées à l'encontre des magistrats tout en venant nuancer dans une certaine mesure un tel contrôle (II). Le contrôle en excès de pouvoir des sanctions touchant les magistrats Si la décision Conseil de la concurrence rendue en 1987 par le Conseil constitutionnel entend réaffirmer l'existence d'un contentieux suscité par l'action administrative relevant par nature de la compétence du juge judiciaire, il n'en demeure pas moins que le juge administratif reste le juge de droit commun pour connaître des litiges relatifs à l'action de l'administration. [...]
[...] Ici encore, nonobstant les moyens invoqués qui n'attireront pas notre attention, nous voyons donc un recours en excès de pouvoir mené à l'encontre de la mesure prise par l'administration. Or, le juge administratif va précisément admettre en l'espèce sa compétence pour apprécier le fond d'une telle décision émanant du ministre de la Justice, garde des Sceaux, puisqu'il va vérifier la bonne qualification juridique des faits opérée par l'administration afin de constater l'absence d'erreur émanant de l'autorité susmentionnée. Cette extension de la compétence du juge administratif quant à sa capacité à se prononcer sur la bonne qualification juridique des faits pour les sanctions touchant les magistrats du parquet se retrouve également dans un arrêt tout aussi fondamental pour un tel contentieux que ceux que nous avons précédemment évoqués, à savoir l'arrêt Stivilonic rendu le 20 juin 2003, dont la portée apparaît en l'espèce confirmée. [...]
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