« Le régime de responsabilité du fait d'un dommage causé par un ouvrage public est très favorable aux victimes ayant la qualité d'usager ou de tiers » . Ce régime de responsabilité est basé sur le défaut d'entretien normal sans avoir à démontrer d'existence d'une faute. Cela n'est pas toujours facile, et le fondement de ce régime est source de controverses doctrinales. Il suffit, en fait, à l'usager, de prouver l'existence d'un préjudice, et d'un lien de causalité entre celui-ci et un fait dommageable.
Mr X. de X se tenait debout derrière un banc de la cour de son collège durant la récréation lorsqu'il a été frappé à la mâchoire par une latte du banc qui n'était pas fixée au cadre et s'est soulevé lorsqu'un autre élève a retiré de l'extrémité du banc le pied qu'il y avait posé, blessant le collégien.
Le tribunal administratif de Strasbourg est saisi d'une demande de réparations et déclare responsable et condamne, par deux jugements en date des 9 mai 1994 et 8 juillet 1997, le département du Bas-Rhin, qui interjette alors appel du jugement devant la Cour administrative d'appel de Nancy, ainsi M. de X. A son tour, celle-ci retient la responsabilité de l'Etat dans un arrêt du 3 décembre 1998, et confirme la condamnation du département au motif que « la désolidarisation de cette latte du banc était constitutive d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public constitué, selon elle, par ce banc ».
Dès lors la question juridique qui se posait aux juges du dernier ressort était de savoir si un banc situé dans la cour d'un collège mais non fixé au sol pouvait être qualifié d'ouvrage public.
[...] Enfin, dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement Gilles Bachelier précise la théorie du défaut d'entretien normal est fondée comme pour les tiers sur le risque et non sur une présomption de faute étant précisé qu'elle présente cependant la particularité de permettre à la personne publique de s'exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d'un entretien normal de l'ouvrage Il rejette ainsi la position de René Chapus, selon laquelle la responsabilité du fait d'un dommage de travaux publics ou d'ouvrage public trouve son fondement dans la faute présumée le défaut d'entretien normal de celui qui est en charge de l'ouvrage public auteur du dommage. Le juge de cassation fait donc, dans l'arrêt du 26 septembre 2001, une application stricto sensu de toutes les théories possibles dans le but de circonscrire les situations dans lesquelles la responsabilité de la personne peut être engagée pour la réparation du dommage causé par un ouvrage public. [...]
[...] C'est sa fonction traditionnelle de juge de cassation qu'il remplit ainsi. Soulignant l'importance du critère immobilier, la Haute juridiction vient censurer l'analyse de juges du fond, désavouant sévèrement leur analyse, en disposant qu'après avoir relevé que le banc en cause avait le caractère d'un bien mobilier et alors qu'il ne pouvait, dès lors, être qualifié, en lui-même, d'ouvrage public, la Cour a commis une erreur de droit Le Conseil d'Etat donne ainsi l'impression qu'il n'existe qu'un seul critère de qualification juridique d'un ouvrage public, qu'est son caractère immobilier. [...]
[...] La nature du banc non fixé au sol rend impossible la qualification d'ouvrage public de celui-ci. C'est ainsi que le Conseil d'Etat consacra un considérant de principe. Le Conseil d'Etat entamait cet arrêt en énonçant la règle selon laquelle la responsabilité de la personne publique maître d'un bien à l'égard de l'usager qui a été victime d'un dommage imputé à ce bien n'est engagée de plein droit pour défaut d'entretien normal, sans que l'intéressé ait à établir l'existence d'une faute à la charge de cette personne publique, qu'à la condition que le dommage soit imputable à un bien immobilier, seul susceptible de recevoir la qualification d'ouvrage public Il s'agit d'une innovation puisque le Conseil d'Etat n'avait pas pour habitude de faire apparaître un tel considérant de principe dans ses décisions précédentes au sujet de la notion d'ouvrage public et du régime de responsabilité applicable. [...]
[...] B / à la volonté de circonscrire les cas d'engagement de la responsabilité de la personne publique Cette approche restrictive que fait le Conseil d'Etat de l'élément de l'ouvrage public qu'il suit dans son analyse de l'affaire montre que le juge de cassation se soucie du risque, induit par un usage trop fréquent du critère, d'une augmentation sensible du nombre de victimes fondées à bénéficier du régime de responsabilité pour dommage lié à un ouvrage public. Un autre point qui appelle à réflexion est celui de la qualité d'usager d'un ouvrage public de la victime. Dans ses conclusions sur l'arrêt du Conseil d'Etat, Gilles Bachelier attire l'attention sur le fait que la qualité d'usager du banc de la victime n'est pas mise en cause, ce qui est pourtant loin d'être évident Il faut donc aborder la question de deux points de vue. [...]
[...] Un avis Adelee du Conseil d'Etat avait, le 11 juillet 2001 (au sujet des ouvrages appartenant à France Télécom), précisé que la théorie de l'accessoire s'appliquait à un bien matériellement incorporé à un ouvrage public, propriété d'une personne publique. B / La nature du bien, source du dommage : un élément déterminant La haute juridiction devait, dans un premier temps, déterminer la nature du bien source du dommage le banc afin de pouvoir se prononcer sur la qualité d'usager d'un ouvrage public de la victime. [...]
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