Le Conseil d'Etat a-t-il, prés d'un siècle après, en sa formation la plus solennelle, et au terme d'un litige de plus de vingt ans, apporter un éclairage nouveau sur le régime du retrait des décisions créatrices de droit en procédant à un subtil rééquilibrage entre sécurité juridique et sauvegarde de la légalité.
En l'espèce, le requérant, M. Ternon avait été titularisé en qualité d'attaché territorial général par un arrêté du président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon en date du 30 décembre 1983. Or, cette titularisation était dépourvue de base légale, car la délibération du 16 décembre 1983 sur laquelle elle se fondait avait été annulée. Sur le fondement de nouvelles délibérations, ledit président avait pris de nouvelles mesures de titularisation, annulées à leur tour. Dès lors, la même autorité avait d'une part, recruté l'agent Ternon en qualité d'agent contractuel par un arrêté du 31 décembre 1987 et d'autre part, refusé de l'intégrer en qualité de fonctionnaire territorial, par une décision du 25 mars 1988. Au demeurant, le 7 janvier 1991, M. Ternon fut licencié pour faute disciplinaire.
Les juges du Conseil d'État ont été confrontés à la question suivante : le retrait d'un acte individuel explicite créateur de droits, mais illégal est-il indéfiniment possible ? À l'inverse, l'administration est-elle tenue de laisser subsister dans le corpus juridique des avantages acquis au mépris de la légalité ?
La question se voulait délicate, la réponse s'est voulue solennelle. L'assemblée du Conseil d'État a décidé, dans un considérant de principe, qu'un tel retrait ne peut être opéré que si l'acte retiré s'avère effectivement illégal et dans un délai de quatre mois après son entrée en vigueur. La présente décision a le mérite de revenir sur une jurisprudence de plus de 80 ans qui avait assimilé le délai de retrait au délai de recours en vue d'assurer une plus grande stabilité des situations juridiques sans pour autant priver l'administration de son « droit de repentir ».
[...] Or, cette titularisation était dépourvue de base légale, car la délibération du 16 décembre 1983 sur laquelle elle se fondait avait été annulée. Sur le fondement de nouvelles délibérations, ledit président avait pris de nouvelles mesures de titularisation, annulées à leur tour. Dès lors, la même autorité avait d'une part, recruté l'agent Ternon en qualité d'agent contractuel par un arrêté du 31 décembre 1987 et d'autre part, refusé de l'intégrer en qualité de fonctionnaire territorial, par une décision du 25 mars 1988. Au demeurant, le 7 janvier 1991, M. Ternon fut licencié pour faute disciplinaire. [...]
[...] La dissociation prétorienne du retrait et du recours On constate une autonomie du droit de retrait. Désormais, alors que le délai de retrait est égal à 4 mois, le délai de recours est en principe de deux mois. Le pouvoir créateur du juge résulte de considérations pragmatiques ; dissociation prétorienne, car la durée a été établie discrétionnairement par le juge sans référence avec les délais existants. De même, le point de départ du délai de recours est la publicité de l'acte, alors que le point de départ du délai de retrait est la prise de décision (écrite ou verbale) et sans prise en compte des formalités de publicité. [...]
[...] Le premier ministre peut en usant de son pouvoir règlementaire instituer des délais particuliers (plus courts ou plus longs) à certaines matières. Cependant, l'aménagement du principe d'intangibilité des droits acquis est réservé, en vertu de l'article 34 de la Constitution, à la loi (Conseil d'État mars 1968, Manufacture française des pneumatiques Michelin). La position du juge est à préciser. Le bénéficiaire d'une décision individuelle créatrice de droits peut en demander le retrait pour obtenir une décision plus favorable (Conseil d'État novembre 1974, Barras) et même après expiration du délai de 4 mois. [...]
[...] L'assemblée du Conseil d'État a décidé, dans un considérant de principe, qu'un tel retrait ne peut être opéré que si l'acte retiré s'avère effectivement illégal et dans un délai de quatre mois après son entrée en vigueur. La présente décision a le mérite de revenir sur une jurisprudence de plus de 80 ans qui avait assimilé le délai de retrait au délai de recours en vue d'assurer une plus grande stabilité des situations juridiques sans pour autant priver l'administration de son droit de repentir Aussi la solution du juge tient-elle en une double position de principe : la révocabilité perpétuelle des droits illégalement et expressément acquis est rejetée de même que leur intangibilité est exclue (II). [...]
[...] Par un arrêt du 26 mars 1998 la Cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation des jugements du 11 mai 1995 et du 8 novembre 1995 considérant que, l'intéressé avait fait connaître au Président du Conseil Régional, par écrit le 16 janvier 1984, son refus de bénéficier de cette intégration et sa volonté de rester agent contractuel. Elle en avait donc déduit que le retrait de la titularisation répondait à ses vœux et que par suite, M. Ternon n'était pas fondé à se prévaloir des droits en résultant. M. Ternon forme un pourvoi devant le Conseil d'État. Le requérant soutenait que les trois décisions contestées méconnaissaient les droits qu'il estimait tenir de l'arrêté de titularisation du 30 décembre 1983, lequel était devenu définitif faute d'avoir été attaqué dans le délai de recours. [...]
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