Le Rapport public annuel du Conseil d'Etat de l'année 2006 concerne la sécurité juridique. Ces rapports, qui savent faire preuve d'un pragmatisme reconnu, méritent d'être pris en compte. Alors, à titre d'exemple, si le recours pour excès de pouvoir permet d'accroître la sécurité juridique, l'effet rétroactif de certaines lois va en sens contraire. En l'espèce, M. Rodière, chef de bureau de 1re classe au ministère des régions libérées, contesta devant le Conseil d'État l'inscription des sieurs Pinal et Jocard au tableau d'avancement pour l'année 1921. Par un arrêt rendu le 13 mars 1925, le Conseil d'État annule ainsi l'inscription des intéressés au tableau d'avancement pour 1921 et, de fait, les arrêtés postérieurs qui les avaient promus. Le ministre, pour l'exécution de cette décision, reconstitua rétroactivement la carrière des intéressés sur la base de leur non-inscription au tableau pour l'année 1921. M. Rodière estima que le ministre n'avait pas correctement exécuté la décision d'annulation et notamment qu'il ne pouvait reconstituer rétroactivement la carrière des intéressés. Le Conseil d'État, par son arrêt du 26 décembre 1925, lui donna tort en jugeant que "s'il est de principe que les règlements et les décisions de l'autorité administrative, à moins qu'ils ne soient pris pour l'exécution d'une loi ayant un effet rétroactif, ne peuvent statuer que pour l'avenir, cette règle comporte évidemment une exception lorsque ces décisions sont prises en exécution d'un arrêt du Conseil d'État, lequel, par les annulations qu'il prononce, entraîne nécessairement certains effets dans le passé, à raison même de ce fait que les actes annulés pour excès de pouvoir sont réputés n'être jamais intervenus". En l'espèce, il estima que le ministre avait correctement exécuté sa décision d'annulation en reconstituant, comme il l'avait fait, la carrière des intéressés comme s'ils n'avaient jamais été inscrits au tableau d'avancement annulé. Dès lors, quel critères permettent-ils la préservation de la sécurité juridique malgré l'effet rétroactif des annulations contentieuses ?
[...] Il semble sur le principe normal que les agents d'un même service soient traités de manière identique, égale. Outre l'opportunité de l'annulation d'une décision, c'est plus généralement, l'égalité entre les différents agents qui doit être préservée. Pour cela, afin de calculer justement les avancements, il convient d'évaluer quelle aurait été la situation de l'agent en l'absence de la décision annulée - La prise en compte des avancements comme justification au pouvoir de contestation Il incombe au ministre d'assurer le “développement normal” de la carrière d'un agent, et en cas de non-respect de ce principe par le ministre, c'est au Conseil d'État à qui revient la tache de s'assurer de sa mise en oeuvre. [...]
[...] Néanmoins, il semble évident qu'un fonctionnaire n'a jamais intérêt à contester une décision individuelle qui ne lui nuit pas, ou une décision qui ne concerne que l'organisation du service, sans porter atteinte aux droits qu'ils tiennent de leur statut ou aux prérogatives de leur corps (Conseil d'État, Ass octobre 1956). En l'espèce, M. Rodière, chef de bureau de 1re classe au ministère des régions libérées, contesta devant le Conseil d'État l'inscription de certains de ses collègues au tableau d'avancement pour l'année 1921. Par un arrêt rendu le 13 mars 1925, le Conseil d'État donna raison au requérant et annula l'inscription des intéressés au tableau d'avancement pour 1921 et par voie de conséquence, les arrêtés postérieurs qui les avaient promus. [...]
[...] Si la jurisprudence a longtemps était hésitante, il semble que par un arrêt de 2004, une juste solution soit trouvée. Cette dernière, comparativement à la jurisprudence de 1958, simplifie la procédure, et semble préserver la sécurité juridique - Les limites finalement posées au principe de rétroactivité Le Conseil d'État le 11 mai 2004 à l'occasion de son arrêt Association AC et autres”, qu'à titre exceptionnel le juge administratif puisse déroger au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et considérer tout ou partie des effets d'un acte administratif antérieurs à son annulation soit regardée comme définitifs, voire que l'annulation ne prenne effet qu'à une date ultérieure déterminée par lui. [...]
[...] Par exemple, dans un arrêt du 28 mars 1997 UNAF, le Conseil d'État a affirmé que l'annulation d'un refus implique nécessairement que l'administration fasse droit à la demande dont elle a été saisie. Pour que cet effet soit efficace, le juge dispose, depuis une loi de 1995, d'un pouvoir d'injonction à l'encontre de l'administration afin que celle-ci tire les conséquences de l'annulation. Ainsi, en principe, l'acte est réputé n'être jamais intervenu dans l'ordonnancement juridique. L'application de cette règle s'est heurtée à des difficultés matérielles importantes qui condamnaient l'administration, soit à commettre de nouvelles illégalités en reconstituant de manière imparfaite la composition de ces organismes, soit à recourir à la validation législative. [...]
[...] Néanmoins, lorsque les motifs de l'annulation de la décision individuelle ne sont pas liés au fond, l'administration, peut reprendre la même décision. Un simple vice de forme par exemple n'empêche donc pas une décision future identique. Le principe de l'autorité de la chose jugée connaît, en matière de décision réglementaire, une dérogation. Il convient d'étudier le régime et la portée d'un tel aménagement - La rétroactivité en matière de contentieux de légalité comme aménagement au principe L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte soit réputé n'être jamais intervenu. [...]
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