Si le contentieux de pleine juridiction est celui où le juge dispose des pouvoirs les plus étendus, il semble parfois nécessaire aux membres du Conseil d'État de le restreindre pour ne pas remettre en cause la classification de Laferrière, et de manière plus pragmatique éviter que ce type de recours n'éclipse d'autres recours fortement usités, tels que le recours pour excès de pouvoir. Que cela soit par l'office du juge de plein contentieux qui dépasse les autres contentieux par sa vocation de remplacement des décisions, ou par sa nature hétérogène sur les matières dont les juges sont susceptibles de statuer, le recours de plein contentieux fait augure de nébuleuse, tant sa force statutaire est importante.
Au départ de ce litige, Mme Blanrue-Sauvage a bénéficié de l'aide sociale pour la prise en charge de son placement en maison de retraite. Suite à la vente et à la donation d'une maison au bénéfice de sa fille, la commission d'admission à l'aide sociale de Marcq-en-Baroeul a décidé de réclamer à la bénéficiaire de la donation, Mme Annie Ledoux les sommes de l'aide sociale dont sa mère avait bénéficié. Cette dernière engagea une procédure devant la commission départementale d'aide sociale (la CDAS) qui confirma la demande de réclamation. Par décision en date du 5 janvier 1996, la commission centrale (la CCAS) a annulé la décision de la commission départementale au motif qu'elle avait fait une inexacte appréciation de l'affaire.
Le Conseil d'Etat a dû déterminer l'étendue de la compétence des juges de plein contentieux au regard de leur appréciation quant au bien-fondé des décisions qu'elles contrôlent à la date de leur propre décision: le contrôle de la légalité d'un acte pouvait être du ressort des juges du plein contentieux.
[...] En l'espèce, la CCAS devait se prononcer sur le bien-fondé de la réclamation non pas, à la date de la décision de la CDAS, mais bien lorsqu'elle a été saisie de l'affaire. Pour pouvoir exercer son large pouvoir d'appréciation, qui surpasse les seuls motifs de légalité interne du REP, les juridictions de l'aide sociale doivent prendre toutes les circonstances de fait et de droit en compte: seule une appréciation à la date de leur décision peut donc y pourvoir. La juridiction de plein contentieux se rapproche, dans cette optique, au juge civil, par le mode opératoire de l'appréciation des faits, par le moment de cette appréciation des faits, et aussi par une méthode se trouvant a contrario des autres branches du contentieux administratif. [...]
[...] Par arrêt en date du 25 novembre 1998, la Haute Assemblée annula la décision de la commission centrale d'aide sociale. Il est reproché à la décision de la CCAS de ne pas avoir recherché l'existence éventuelle d'éléments postérieurs susceptibles d'avoir eu une incidence sur la situation financière de l'intéressé, et avait donc de ce fait commis une erreur de droit. Le département motivait sa réclamation sur la base de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale lequel dispose que des recours puissent être formés contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire: Mme Ledoux se trouvait dans cette situation. [...]
[...] Le but recherché par le requérant ne réside pas dans l'annulation d'un acte, mais dans l'obtention d'une condamnation de l'administration. En l'espèce, la CCAS, motif pris de l'annulation la décision de la CDAS, n'a pas respecté sa finalité première, en dérogeant à la subjectivité de ce type de contentieux: il ne s'agit pas d'un contentieux pour excès de pouvoir relatif à l'appréciation de la légalité de la décision contestée. Une qualité écartant tout contrôle de légalité des décisions Du fait de la nécessité d'une décision préalable pour lier le contentieux, les hauts magistrats ont donc dû redéfinir de manière implicite, la qualité des juges du plein contentieux En effet, si l'office du juge en matière de plein contentieux possède le pouvoir, déjà très vaste, de la substitution des décisions dont il est saisi par ses propres décisions, il ne doit que prendre en considération les changements qui ont pu affecter l'état du droit ou les circonstances de fait. [...]
[...] La règle de droit édictée ne peut s'appliquer qu'aux décisions définitives à objet exclusivement pécuniaire (CE Ass 7 juillet 1989 Ordonneau), et ne peut, par exemple, être appliquée aux décisions implicites de rejet en raison des textes relatifs aux délais de recours (C.E. Sect janvier 1966, Delle Gacon). Il existe une certaine dualité dans l'étendue de la compétence de l'office du juge. Cependant, cette dualité est éclipsée par la nécessité d'une appréciation in concreto des circonstances par le juge de plein contentieux: l'étude des justifications des parties. [...]
[...] La compétence de l'auteur de la décision attaquée peut être évoquée, le juge devra aller au-delà des questions de légalité qui pourraient se poser selon René Chapus. Dès lors, dans cet arrêt Département du Nord, le Conseil d'Etat, en reprenant le considérant se référant à l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale, restreint la compétence des juridictions de l'aide sociale à statuer sur la juste application d'un texte législatif aux circonstances de fait. Le juge de plein contentieux dispose de pouvoirs lui permettant d'aller au- delà de l'annulation d'un acte lui étant déféré, ainsi les hauts magistrats ont circonscrit la compétence de ce type de juridiction. [...]
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