Notre arrêt intervient après que le 17 avril 1990, Mme Blanrue-Sauvage ait fait donation à sa fille unique, Mme Ledoux, d'une maison évaluée à 300 000 francs dont elle était propriétaire à Marcq-en-Baroeul. Le 29 mars 1991, cette maison fait l'objet d'une vente au prix de 470 000 francs. Puis, du 5 juillet 1991 au 31 mars 1992 Madame Blanrue-Sauvage bénéficie de l'aide sociale pour la prise en charge des frais de son placement à la maison de retraite de Croix (Nord).
Une action de l'administration est alors engagée contre Mme Ledoux et Mme Blanrue-Sauvage. Le 19 mai 1992, une décision de la commission d'admission à l'aide sociale de Marcq-en-Baroeul ordonne à l'encontre de Mme Ledoux, la récupération de la somme de 48 607,89 F, correspondant au montant de l'aide sociale accordée par le département du Nord à Mme Blanrue-Sauvage, sur le fondement du premier alinéa de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale. Le 15 décembre 1993, cette décision est confirmée par une décision de la commission départementale d'aide sociale du Nord. A date indéterminée, Mme Ledoux fait appel de la décision.
Le 5 janvier 1996, la commission centrale d'aide sociale annule cette dernière décision. Le 25 novembre 1998, le CE annule la décision de la commission centrale d'aide sociale en date du 5 janvier 1996 et renvoie l'affaire devant cette commission.
Le problème est ainsi de savoir si une juridiction de l'aide sociale, doit statuer sur un litige en tant que juge de l'excès de pouvoir, ou en qualité de juge du plein contentieux. De cela dépend l'étendue des pouvoirs du juge, ainsi que la date d'appréciation des faits, cela étant déterminant vis-à-vis de la solution que la juridiction rendra.
[...] Il est fait obligation pour les juges de se prononcer sur le bien-fondé de l'action de la collectivité d'après l'ensemble des circonstances de fait à la date de leur décision. Ainsi la commission d'aide centrale aurait dû, au jour de son jugement, prendre en compte tous les éléments de faits dont elle disposait, et ainsi prendre la qualité du juge de pleine juridiction. Cela paraît logique au regard de la règle de droit invoquée pour demander récupération des aides sociales, le premier alinéa de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 janvier 1997, relatif à la récupération des allocations d'aide sociale, qui dispose que des recours peuvent être exercés par le département dans les hypothèses suivantes : Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; Contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d'aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande ; Contre le légataire" En l'espèce, il s'agit d'une donation d'une maison d'habitation par le bénéficiaire de l'aide sociale à une enfant, le département demande donc, légitimement, récupération du montant de l'aide sociale versée. [...]
[...] Dans chaque cas il existe des règles législatives et réglementaires qui encadrent l'intervention du juge, comme ici en l'occurrence l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale. A la différence du recours pour excès de pouvoir, le recours de plein contentieux n'est pas un procès fait à un acte. Le juge dispose dans ce type de contentieux de pouvoirs très étendus, elle ne se limite pas à l'annulation de l'acte. Le juge de l'excès de pouvoir se borne à annuler l'acte entaché d'illégalité. Le juge du plein contentieux se prononce lui-même sur le droit des intéressés. [...]
[...] L'utilisation du plein contentieux permet également de ne pas laisser l'administration dans le flou, le juge rendant ainsi son jugement, ainsi que les conséquences qui en découlent. Néanmoins, il ne doit pas faire œuvre d'administrateur, et reste donc cantonné dans le rôle de l'administration d'une bonne justice. [...]
[...] Nous l'admirons encore, et il n'est déjà plus, ou du moins, il n'est plus qu'une pièce de musée, un objet d'art délicat, une merveille de l'archéologie juridique Ainsi Hauriou nous dépeignait-il le recours pour excès de pouvoir. Alors est-ce que cet arrêt est l'illustration du phénomène que le doyen Hauriou nous décrivait déjà en 1912? Cela ne semble pas être le cas, mais il est vrai que souvent, le recours de pleine juridiction semble plus adapté au contentieux que le recours pour excès de pouvoir. Notre arrêt intervient après que le 17 avril 1990, Mme Blanrue-Sauvage ait fait donation à sa fille unique, Mme Ledoux, d'une maison évaluée à francs dont elle était propriétaire à Marcq-en-Baroeul. [...]
[...] Le problème est ainsi de savoir si une juridiction de l'aide sociale doit statuer sur un litige en tant que juge de l'excès de pouvoir, ou en qualité de juge du plein contentieux. De cela dépend l'étendue des pouvoirs du juge, ainsi que la date d'appréciation des faits, cela étant déterminant vis-à-vis de la solution que la juridiction rendra. A ce problème, les juges du Conseil d'État ont répondu qu'«en se plaçant ainsi à la date de la demande de récupération pour apprécier si Mme Ledoux était en mesure de satisfaire à cette demande, sans rechercher l'existence éventuelle d'éléments postérieurs susceptibles d'avoir eu une incidence sur la situation financière de l'intéressée, la commission centrale d'aide sociale a commis une erreur de droit» Afin de mieux comprendre la solution ainsi rendue, il convient tout d'abord de se pencher sur l'arbitrage en qualité de juge pour excès de pouvoir qui est remis en cause pour les juridictions de l'aide sociale puis sur l'arbitrage en qualité de juge de plein contentieux qui est donc rendu nécessaire pour ces mêmes juridictions (II). [...]
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