L'exercice du pouvoir réglementaire donne lieu à un abondant contentieux, dont l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 25 juin 2007, Syndicat CFDT du ministère des Affaires étrangères nous offre une nouvelle illustration. En l'espèce, le 12 février 2007, le ministère des Affaires étrangères avait pris quatre arrêtés relatifs à l'organisation des concours externes et internes pour l'accès aux emplois de conseiller des affaires étrangères, de secrétaire aux affaires étrangères, de secrétaire de chancellerie et de secrétaire des affaires étrangères (cadre d'Orient). Ces arrêtés modifiaient la nature des épreuves de ces quatre concours.
Par quatre requête et mémoires enregistrés au secrétariat du contentieux les 18 avril et 21 mai 2001, le Syndicat CFDT du ministère des Affaires étrangères demanda au Conseil d ‘Etat d'annuler les quatre arrêtés pour excès de pouvoir. La haute juridiction était une nouvelle fois appelée à se prononcer sur les conditions de modifications de dispositions réglementaires.
Plus précisément, la question de droit soulevée par le litige était la suivante : le pouvoir réglementaire est-il tenu de prendre des mesures transitoires pour l'application d'une nouvelle réglementation ?
[...] Il va jusqu'à livrer quelques indications sur le délai raisonnable d'application des arrêtés contestés : en ne prévoyant pas le report, d'une année à tout le moins, de l'entrée en vigueur de ces arrêtés, afin de permettre aux candidats de disposer d'un délai raisonnable pour s'y adapter, le ministre des Affaires étrangères à méconnu le principe de sécurité juridique Le principe de sécurité juridique est donc méconnu lorsque n'est pas reportée la réforme substantielle de concours demandant un travail long et spécifique de préparation, afin de permettre aux candidats de disposer d'un délai raisonnable pour s'y adapter. En d'autres termes pour la haute juridiction, une année au moins aurait été un délai raisonnable d'application des nouvelles dispositions. La rédaction de l'arrêt ne permet pas de conclure que ce délai raisonnable sera dans tous les cas d'une année. Il complète simplement la jurisprudence en ajoutant la notion de délai raisonnable. [...]
[...] Le Conseil d'Etat apporte une réponse affirmative. Il rappelle tout d'abord que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur, la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; dans un deuxième temps, la haute juridiction énonce qu'en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétractivité des actes administratifs Enfin, il apporte un tempérament à ce principe en posant que toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraine, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause Le Conseil d'Etat annule en conséquence les quatre arrêtés litigieux en tant qu'ils ne prévoient pas de mesures transitoires relatives aux prochains concours prévus à la date de l'entrée en vigueur de ces arrêtés Autrement dit, par le présent arrêt, la haute juridiction rappelle que si l'administration a toujours la possibilité de modifier ou d'abroger un règlement elle a toutefois, dans certains cas, l'obligation d'édicter des mesures transitoires (II). [...]
[...] Moyen par excellence de l'action de l'administration, elle doit pouvoir le modifier ou l'abroger à tout moment, de sorte qu'il n'existe pas de droit acquis au maintien d'un règlement (CE 1951, Delteil) . C'est ce que rappelle le Conseil d'Etat de façon extrêmement pédagogique dans l'arrêt du 25 juin 2007 : l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puisent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante L'administration est donc libre d'abroger ou de modifier à tout moment un règlement (CE 6 décembre 1907, Cie des chemins de fer de l'est) . [...]
[...] La méconnaissance du principe de sécurité juridique caractérisée par le défaut d'édiction de mesures transitoires est sanctionnée par le Conseil d'Etat qui prononce l'annulation des arrêtés, mais seulement en ce qu'ils ne comportent pas de mesures transitoires . La sanction du défaut d'édiction de mesures transitoires Une fois la méconnaissance du principe de sécurité juridique caractérisée par l'absence de mesure transitoire, encore fallait-il la sanctionner et en tirer les conséquences. Or en l'espèce, les arrêtés ne comportaient aucune disposition illégale. L' illégalité ne tenait qu'à l'absence de mesures transitoires et ne pouvait en conséquence pas être annulée pour le tout, pour ce seul motif. [...]
[...] Pour se faire, le Conseil d'Etat se livre à une analyse in concreto des intérêts en cause. Ils relèvent tout d'abord , sur l'objet des dispositions , que les arrêtés litigieux , d'application immédiate , modifient la nature des épreuves de ces concours d'une part en ce qu'ils modifient ou réduisent fortement le nombre de langues étrangères, d'autre part en ce que le contenu de ces épreuves est transformé et leur note éliminatoire relevée, et enfin il relève que pour certains concours, les changements concernant les épreuves de langues étrangères ont des conséquences quant aux pays sur lesquels porte l'épreuve relative à la civilisation, à l'histoire, aux institutions, à la vie politique et sociale, à la géographie économique et humaine et à la culture Dans un second temps, le Conseil d'Etat s'emploie à analyser les effets des dites dispositions, conformément à sa jurisprudence. [...]
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