A la fondation de l'école du service public, il y avait l'idée selon laquelle seules les personnes publiques pouvaient gérer un service public, et à ce titre pouvaient bénéficier de l'application des règles de droit administratif. Mais il y aura tout au long du XX° siècle un phénomène d'élargissement des missions de service public. Les activités de service public ne seront plus seulement administratives, mais elles toucheront également le secteur industriel et commercial. Le Conseil d'Etat reconnait plus tard que les personnes privées peuvent gérer un service public par application de la loi.
Ainsi, dans l'arrêt « Commissariat de l'Energie Atomique », une association « Centre d'études sur l'évaluation de la protection dans le domaine nucléaire » (CEPN) est créée par Electricité de France, établissement public, et par le Commissariat de l'Energie Atomique (CEA). Le 12 novembre 2003, M. A a demandé au CEA la communication des décisions de l'association CEPN (qui fixe le montant de l'adhésion au CEA pour 2000-2003), des comptes annuels de 2000 à 2002, des rapports des commissaires aux comptes, et des procès-verbaux des assemblées générales de 2000 à 2002. Le CEA refusant de lui communiquer les documents, M. A a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs. Mais dans un avis du 23 février 2004, cette commission émet un avis défavorable. M. A porte alors sa demande auprès du Tribunal Administratif de Paris, lequel annule dans un jugement du 25 février 2005 la décision du CEA de ne pas communiquer les documents.
La question qui se pose en l'espèce est de savoir dans quelles mesures une personne morale de droit privé peut gérer un service public, et dès lors être régie par les règles de droit administratif.
[...] Le Conseil d'Etat a repris ici la solution qu'il a rendue un an plus tôt dans l'arrêt APREI le 22 février 2007. Il avait rappelé les critères de la jurisprudence Narcy, mais en précisant que même sans prérogative de puissance publique, si les deux premiers critères sont remplis et que l'administration impose bien des obligations à la personne privée, et le contrôle, il peut y avoir mission d'intérêt général. L'arrêt Ville de Melun rendu en 1990 par le Conseil d'Etat écartait déjà cet indice pour déterminer dans quelles circonstances une personne privée pouvait gérer un service public. [...]
[...] Arrêt Commissariat de l'Energie Atomique, Conseil d'Etat juillet 2008 L'Etat n'est qu'un faisceau de service public disait Léon Duguit, père de l'école du service public. C'est dans le contexte d'après-guerre qu'il a eu recours à cette notion, lui permettant ainsi d'affirmer l'autonomie du droit administratif, mais également de limiter l'action de l'Etat. A la fondation de l'école du service public, il y avait l'idée selon laquelle seules les personnes publiques pouvaient gérer un service public, et à ce titre pouvaient bénéficier de l'application des règles de droit administratif. [...]
[...] Ainsi le CEPN se verra bien reconnaitre une mission de service public, ce qui le soumettra aux règles de droit Administratif. Les critères élargis de la mission de service public La jurisprudence a été incertaine quant à l'attribution de prérogatives de puissance publique, en tant que critère cumulatif nécessaire à la gestion de service public par une personne privée. SI la jurisprudence Narcy le consacre, le Conseil d'Etat en l'espèce ne le consacrera pas expressément comme critère cumulatif nécessaire Ainsi donc, ayant rempli les autres conditions, il se verra exercer une mission de service public, et sera à ce titre soumis au droit Administratif La détention de prérogatives de puissance publique, critère non cumulatif Même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission. [...]
[...] Le CEPN est un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public ; les documents qu'ils élaborent sont donc considérés au sens de cette loi comme des documents administratifs. Mais le Conseil d'Etat va analyser également en quoi les documents litigieux sont des documents administratifs alors que par simple application de cette loi il pouvait le déterminer. Les comptes annuels du CEPN pour 2000 à 2002, les rapports des commissaires aux comptes et les procès-verbaux des assemblées générales de cet organisme, qui retracent les conditions dans lesquelles l'association exerce la mission de service public [ ] il en est de même, dans les circonstances de l'espèce, des décisions du CEPN qui fixent le montant de l'adhésion du CEA pour les années 2000 à 2003, dès lors que ces documents se rattachent à la mission de service public de l'association Les actes élaborés par le CEPN sont directement rattachés à la mission de service public, car ils sont la traduction même de la mission de service public qui leur a été confiée, même si elle ne concerne que l'exécution du service dans certains domaines. [...]
[...] D'après la loi du 12 juillet 2000, dans son article 1er, il est plus probable de considérer que c'est le CEA, subordonné du CEPN, qui va fournir les documents litigieux. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs considéré qu'il résulte des dispositions précitées des articles 1er et 2 de la loi du 17 juillet 1978 que les établissements publics doivent communiquer les documents administratifs qu'ils détiennent même s'ils n'en sont pas les auteurs ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que le CEA, établissement public, détient les documents en cause Le juge déclare que le CEA peut très bien fournir les documents élaborés par le CEPN, d'autant plus que c'est lui qui l'a créé, et que le CEPN doit lui rendre des comptes, et est soumis à son contrôle. [...]
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