En principe l'annulation d'un acte administratif le fait disparaitre rétroactivement, sauf exception. C'est le cas dans cette décision France Telecom du Conseil d'Etat. En l'espèce, le Conseil d'Etat saisit par France Télécom devait examiner la légalité d'une décision de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) du 16 avril 2002 qui modifiait, s'appuyant sur des dispositions communautaires et nationales, les tarifs 2002 proposés par France Telecom aux autres opérateurs pour le dégroupage de l'accès à la boucle locale ; sans toutefois appliquer la méthode prédéfinie et publiée pour le calcul des coûts du dégroupage ce qui revenait à violer l'article D.99-24 du Code des postes et télécommunications. Cette décision illégale devait donc être annulée.
Il est apparu que son annulation rétroactive entrainerait des effets désastreux autant aux principes de la concurrence qu'au droit communautaire.
Ainsi, la question posée au juge était la suivante : peut-on, lorsque l'annulation rétroactive d'un acte administratif entrainerait des conséquences manifestement excessives, déroger à ce principe de rétroactivité ?
[...] Conseil d'Etat février 2005 - l'annulation rétroactive d'un acte administratif En principe l'annulation d'un acte administratif le fait disparaitre rétroactivement, sauf exception. C'est le cas dans cette décision France Telecom du Conseil d'Etat. En l'espèce, le Conseil d'Etat saisit par France Télécom devait examiner la légalité d'une décision de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) du 16 avril 2002 qui modifiait, s'appuyant sur des dispositions communautaires et nationales, les tarifs 2002 proposés par France Telecom aux autres opérateurs pour le dégroupage de l'accès à la boucle locale ; sans toutefois appliquer la méthode prédéfinie et publiée pour le calcul des coûts du dégroupage ce qui revenait à violer l'article D.99-24 du code des postes et télécommunications. [...]
[...] La jurisprudence du Conseil d'Etat a pris soin de compléter cette recherche de l'équilibre en dotant le juge d'un nouveau pouvoir, celui de la modulation des effets de la décision d'annulation. II] La modulation des effets dans le temps de l'annulation et ses suites La décision France Telecom affirme la nouvelle possibilité mise à la disposition du juge dans l'arrêt AC , qui consiste en la possibilité de moduler les effets dans le temps de l'annulation d'un acte administratif ouvrant un champ large à toutes les questions qui viennent alors se poser L'utilisation d'un nouveau pouvoir par le juge La modulation permet au juge d'annuler ab initio les dispositions d'un acte, pour peu qu'elles soient divisibles, et procéder à une annulation à effet immédiat ou a effet différé pour d'autres dispositions du même acte. [...]
[...] Le premier exemple de modulation des effets de l'annulation date de l'arrêt Titran du 27 Juillet 2001. Le CE avait annulé un refus ministériel de procéder à une abrogation, mais laissant à l'administration un délai de deux mois pour procéder à la régularisation des arrêtés illégaux, faute de quoi l'obligation d'abroger prendrait effet. Mais il n'y avait ici, aucune obligation pour l'administration de faire disparaitre l'acte illégal, et c'est donc la jurisprudence AC qui a véritablement innové. Le pouvoir du juge de l'excès de pouvoir s'en trouve donc élargi puisque lui qui ne pouvait qu'annuler un acte ou rejeter une requête peut à présent réformer un acte dans sa dimension temporelle. [...]
[...] La remise en cause du principe grâce à l'usage du contrôle de proportionnalité Dans cette décision le Conseil d'Etat est conduit à ne pas appliquer l'effet rétroactif de l'annulation car il estime que les conséquences qui en résulteraient seraient manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produit et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets Pour se déterminer ainsi le juge administratif a exercé un contrôle de proportionnalité, c'est-à-dire qu'il compare tous les avantages qu'entrainerait la rétroactivité de l'acte annulé aux inconvénients pour les intérêts publics et privés en présence, et décide alors s'il est ou non légitime de déroger à la règle de la rétroactivité. En l'espèce admettre la rétroactivité des dispositions attaquées serait revenu à violer le règlement communautaire du 18 décembre 2000, et à nuire au principe de concurrence entre opérateurs de télécommunications. Le Conseil d'Etat agit ici dans le prolongement de l'arrêt Agir contre le Chômage du 11 mai 2004, où il avait procédé de la même manière afin d'éviter un effondrement du système d'assurance chômage. [...]
[...] Les incertitudes soulevées par la modulation des effets dans le temps de l'annulation Tout d'abord, l'on peut se demander si cette faculté du juge relève de son appréciation souveraine ou du juge de cassation, en d'autres termes est- ce que le juge d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel peut user de ce pouvoir de modulation. Il est difficile de se prononcer dans la mesure où dans les décisions aujourd'hui connues le Conseil d'Etat ici se prononce en premier et dernier ressort. Cependant il s'agit là d'une forme de pouvoir normatif, dont on imagine mal qu'elle puisse être partagée avec toutes les juridictions. On peut également se demander quel est le degré de précision des motifs nécessaire pour prononcer la modulation des effets d'une annulation ? [...]
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