L'expérience, d'un point de vue historique, nous montre de façon empirique que c'est toujours lors d'instabilité politique et sociale que l'Etat prend des mesures drastiques croissantes pour assurer le plus possible l'ordre public, défini dans l'article L. 2212-2 du Code Général des Collectivités Territoriales.
Un exemple de telles mesures, forgé dans un climat de fortes perturbations, est le présent arrêt du conseil d'Etat, décidé le 24 mars 2006.
En effet, il s'agit dans le présent litige de deux requêtes contre deux décrets entrés en vigueur le 8 novembre 2005, autorisant l'application de lois spéciales dans un état d'urgence: elles disposent de “perquisitions à domicile de jour et de nuit”, d'”assignation à résidence”, de “police des réunions et des lieux publics” et de “remise d'armes”. Après avoir été emboutés en seconde instance par la cour administrative d'appel, les deux requérants voient leur demande rejetée à nouveau par le conseil d'Etat.
Il découle de ce litige la question de savoir si un tel régime préventif, mis en place à cause d'un état d'urgence, justifie la violation de droits et de libertés fondamentales, tels que le droit à la vie privée et à la propriété, et la liberté de mouvement. Un état d'urgence est ainsi donné «en raison de l'extrême gravité de la situation, de l'existence de “circonstances exceptionnelles”»(Frier, Précis de droit administratif, p.253); cela présuppose un cas de crise grave, tel un contexte d'émeute comme en l'espèce. Ainsi, vu l'urgence de la situation à porter secours à l'ordre public, les autorités administratives bénéficient de pouvoirs plus importants que normalement conférés, notamment dans le domaine de la police, qui ainsi obtient une fonction préventive.
Ainsi, il est intéressant de voir dans quelle mesure l'autorité administrative au sens de police jouit-elle de pouvoirs exceptionnels, enfreignant les libertés individuelles (I), et où se trouvent ses limites (II).
[...] Il est évident qu'il y a là une violation de la liberté de mouvement: car toute personne a le droit de se déplacer librement, peu importe l'heure qu'il est et le lieu où elle se déplace. Dans son domicile, le résident n'a non seulement le droit de faire ce qui lui plaît en dedans, mais elle peut également librement choisir d'y entrer et d'en sortir, même de ne pas y entrer du tout. Confiner une personne à sa résidence, sous peine de poursuites pénales, est d'en changer la fonction: le domicile, en principe un endroit privé dont l'accès dépend entièrement du locataire, devient sa prison, dont il ne peut plus sortir. [...]
[...] Ce système ressemble même fort à celui de la promulgation des lois par le Président, ce qui laisse croire à sa légitimité. Aussi, bien que ce décret ait statué à travers de la loi du 3 avril 1933 de la durée de l'état d'urgence, il s'ajoute à cela la loi du 18 novembre 2005 qui stipule une prorogation de trois mois de la durée de l'état d'urgence. On peut se demander si une telle loi n'irait pas à l'encontre du principe de droit, car elle prolonge la situation exceptionnelle pendant laquelle la police bénéficie de pouvoirs préventifs. [...]
[...] Au contraire, il faut décider le plus rapidement possible, bien que, justement, si les mesures appliquées étaient justifiées, pour que le degré de violation d'un droit fondamental soit le plus petit qui puisse être. C'est ainsi que, bien que l'état d'urgence puisse amener à transgresser des droits, les grands pouvoirs conférés aux autorités administratives ne le sont pas pour autant de façon gratuite : elles se doivent de peser sérieusement les décisions qu'elles prennent et de respecter les lois et les principes auxquels elles sont assujetties. Un recours individuel contre une mesure prise, si elle est injustifiée, permet lui aussi de limiter les autorités administratives. [...]
[...] Ce dernier confère aux autorités administratives, comme le cite l'arrêt, le pouvoir d'ordonner la remise des armes de 1re, 4e et 5e catégorie Il faut souligner ici l'importance et l'impact que le pouvoir d'ordonner car il ne laisse aucune alternative à la personne ainsi adressée, et la place clairement dans une position très inférieure à celle des autorités. Il n'est pas non plus mentionné dans l'arrêt pour combien de temps les armes étaient confisquées, ni ce qu'il en advenait. Bien que ces armes soient bel et bien dangereuses, si la personne qui les détient en a le droit, l'obligation de les remettre aux autorités viole le droit de la propriété, tout simplement. [...]
[...] En l'occurrence, une assignation à domicile n'a lieu que si la personne concernée est poursuivie pénalement; le fait que la police administrative puisse exercer le principe de nulla poena sine lege montre bien un pouvoir exceptionnel de cette dernière. Selon ce même décret, l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 est également applicable, statuant une autre limitation. Il autorise une police des réunions et des lieux publics. Quoique faisant moins partie du coeur du débat, le fait qu'une police assiste à des réunions, entre autres privées, représente un frein à leur libre déroulement. Que les réunions soient soumises à un contrôle policier peut entraîner l'exclusion ou l'empêchement de certaines personnes conviées à y aller. [...]
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