Peu après avoir consacré son rapport public de 2006 à la sécurité juridique, le Conseil d'Etat a reconnu solennellement le principe de sécurité juridique par son arrêt d'assemblée du 24 mars 2006 KPMG et autres. Plusieurs cabinets d'audit avaient saisi la Haute juridiction administrative de la légalité d'un décret de 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes.
Si sur le fond, les moyens à l'appui du recours sont écartés par le juge, la date d'entrée en application des nouvelles règles, et plus précisément leur application aux situations contractuelles en cours, sans mesures transitoires, ont retenu l'attention du Conseil d'Etat et l'ont conduit à annuler le décret au motif de la sécurité juridique.
L'apport essentiel de cet arrêt tient donc au fait que le Conseil d'Etat a effectivement accueilli le principe de sécurité juridique au rang de principe général du droit administratif et en a tiré immédiatement les conséquences dans le litige qui lui était soumis. Cette décision est considérable, dans la mesure où les principes généraux du droit constituent une source importante de la légalité administrative : ce sont des règles élaborées par le juge ayant force obligatoire à l'égard de l'Administration, même dans le silence des textes.
De plus, l'arrêt s'inscrit dans un contexte juridique bien précis, où l'instabilité des normes, la poussée de la jurisprudence communautaire ou encore le débat doctrinal, incitaient à une plus grande prise en compte de la sécurité juridique dans l'ordre interne.
[...] Dans son arrêt Bosch du 6 avril 1962, le juge communautaire a élevé la sécurité juridique au rang de principe général du droit communautaire. Le principe devait s'appliquer aux actes pris par les États membres pour la mise en œuvre du droit communautaire. La Cour exige par exemple que tout acte de l'Administration produisant des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l'intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir duquel cet acte existe et commence à produire ses effets juridiques. [...]
[...] Conseil d'Etat mars 2006 - la consécration du principe de sécurité juridique Introduction Peu après avoir consacré son rapport public de 2006 à la sécurité juridique, le Conseil d'État a reconnu solennellement le principe de sécurité juridique par son arrêt d'assemblée du 24 mars 2006 KPMG et autres. Plusieurs cabinets d'audit avaient saisi la Haute juridiction administrative de la légalité d'un décret de 2005 portant approbation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes. Si sur le fond, les moyens à l'appui du recours sont écartés par le juge, la date d'entrée en application des nouvelles règles, et plus précisément leur application aux situations contractuelles en cours, sans mesures transitoires, ont retenu l'attention du Conseil d'État et l'ont conduit à annuler le décret au motif de la sécurité juridique. [...]
[...] Enfin, des considérations d'ordre interne, et notamment le fameux désordre normatif, contribuaient à valoriser le principe de sécurité juridique. Le juge administratif ne pouvait donc pas y demeurer insensible. Le Conseil d'État a jugé nécessaire de consacrer son rapport annuel à la sécurité juridique à deux reprises, en 1991 et en 2006. Plusieurs arrêts sont aussi venus renforcer une sécurité juridique longtemps restée implicite, mais réelle. Par exemple, dans un arrêt d'assemblée du 25 juin 1948 Société du journal L'Aurore, le Conseil d'État érigeait en principe général du droit le principe de non-rétroactivité des actes administratifs. [...]
[...] Malgré cela, le juge administratif se refusait encore à ériger le principe de sécurité juridique en principe général de droit interne. II/ La portée incertaine du principe de sécurité juridique consacré par l'arrêt KPMG Une avancée jurisprudentielle remarquable et particulièrement bienvenue L'importance capitale de l'arrêt KPMG est donc bien de consacrer ce principe comme un des principes généraux du droit. Si la législation et la jurisprudence se sont attachées à protéger ce principe sans le nommer, l'apport de la décision de mars 2006 est donc de le faire entrer explicitement dans le bloc de légalité. [...]
[...] Les requérants invoquaient à ce titre divers moyens, qui ont été rejetés au fond et que je n'évoquerai pas ici, pour pouvoir me concentrer sur le point qui nous intéresse, à savoir la consécration du principe de sécurité juridique. La question la plus délicate de l'affaire portait en effet sur l'application dans le temps des règles nouvelles de ce code. Deux reproches étaient adressés au décret : d'une part, en s'appliquant aux contrats en cours, il serait entaché d'une rétroactivité illégale ; d'autre part, il aurait dû prévoir des dispositions transitoires. [...]
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