Dans deux décisions rendues le 23 février, le Conseil d'État a eu à se prononcer sur un sujet sensible et médiatique, à savoir les badges retirés par le Préfet de Seine-Saint-Denis à deux bagagistes de l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle. À la base, ce sont 72 salariés musulmans de sociétés sous-traitantes qui se sont vus retirer en septembre l'habilitation permettant l'accès à la zone réservée de Roissy, en raison du "danger pour la sécurité aéroportuaire". Neuf d'entre eux ont déposé devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise un référé contre cette décision préfectorale, mais le Préfet restituera deux habilitations. Ce sont ainsi sept bagagistes au total qui se sont trouvés devant le tribunal administratif de Cergy.
Nous avons choisi de traiter les deux affaires, car les décisions rendues sont forts similaires, la logique opérée par le Conseil d'État étant la même.
[...] Dans un premier temps, les avocats de M.B et M.L ont contesté la légalité des décisions du Préfet. La lettre type du préfet signifiant le retrait de badge reprochait en effet aux salariés de ne pas apporter la preuve d'un comportement insusceptible de porter atteinte à la sûreté aéroportuaire, eu égard aux informations détenues par l'administration sans plus de précisions. Les avocats ont aussi mis en doute le contenu des sept notes UCLAT ( Unité de Coordination de la Lutte antiterroriste) qui auraient été tardivement versées au dossier. [...]
[...] Dans les deux affaires, le Conseil d'État a jugé que le juge des référés n'avait commis aucune erreur d'interprétation de l'article R. 213-5 du code de l'aviation civile relatif au retrait des habilitations. Et que c'est sans dénaturation des pièces des dossiers, ni dans un sens ni dans l'autre, qu'il avait décidé d'accueillir dans un cas la demande de suspension et dans l'autre de la rejeter. (dénaturer un fait, c'est lui donner un sens que, d'après ses termes clairs et précis, il n'a manifestement pas. [...]
[...] c'est le contraire, la condition d'urgence n'était pas remplie du fait de l'intérêt général (par rapport à la sécurité aéroportuaire) et du fait que son entreprise pouvait le reclasser autre part. Il est important de dire que le juge des référés qui rejette une demande sur le terrain de l'urgence n'est pas tenu d'analyser les moyens relatifs à la légalité de la décision litigieuse. La clôture de ces affaires devant le juge des référés ne préjuge en rien des jugements au fond qui seront rendus par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans les meilleurs délais. [...]
[...] Il ne suffit pas de dire que ces personnes présentent un danger, il faut le prouver a-t-elle ajouté, en soulignant l' urgence de rendre les badges à ces salariés, tous licenciés ou en passe de l'être par leurs entreprises. Pour Maître Moutet, avocat de quatre bagagistes Si on valide ce comportement de l'administration, on dérive vers l'arbitraire. Car le risque terroriste existe partout et demain on demandera à tous les salariés d'avoir des habilitations et ça pourra s'en servir pour faire le ménage L'accusation est virulente et démontre bien l'importance médiatique et morale de ces décisions. Ainsi, nous pouvons constater qu'une définition d'une menace réelle n'est pas si facile à donner. [...]
[...] Et pourtant, le Tribunal administratif, confirmé par le Conseil d'État, a opéré deux logiques différentes. Dans le cas de M.B, il a conclu que la menace était suffisante, aux vues des preuves des experts de l'UCLAT et des conséquences de cette décision provisoire. Dans le cas de M.L, les preuves n'ont pas été suffisantes, d'autant plus que les conséquences sur cet homme n'auraient pas eu le même impact. Après avoir observé les différends opposant l'autorité préfectorale et les employés intéressés, ainsi que les conclusions du Conseil d'État, nous allons maintenant voir la spécificité de ces décisions et leur portée. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture