« La responsabilité du fait des lois est un produit de luxe, on ne s'en sert pas tous les jours. » Tels sont les mots du Professeur René Chapus quant à la responsabilité de l'Etat en matière législative dans son ouvrage Droit Administratif général. Cela traduirait donc une faible utilisation de la part du juge administratif du régime de responsabilité du fait des lois pour condamner l'autorité administrative. Cependant, l'arrêt du 22 novembre 2005 rendu par le Conseil d'Etat va élargir le domaine d'application de l'engagement de cette responsabilité.
En l'espèce, un décret du 16 avril 1999 pris par le chef du gouvernement, en vertu des pouvoirs de police qui lui sont conférés par l'article 15 de la loi du 19 juillet 1976, ordonne la suppression de silos de stockage exploité par la Coopérative agricole du Soissonais. La Coopérative agricole Ax'ion a intenté une action devant le juge administratif en réparation du préjudice subi du fait de l'intervention législative de l'autorité administrative en prétendant une rupture d'égalité devant les charges publiques.
[...] Le juge ne faisant qu'appliquer la loi, il ne pourra accorder aucune indemnisation si elle n'est pas prévue. Il l'accordera au contraire si celle-ci est expressément stipulée. Il n'y a donc aucun risque d'encombrement du prétoire du fait de cette jurisprudence qui bien qu'innovante, reste dans le respect de l'état actuel du droit. Le législateur dispose donc des pouvoirs nécessaires pour éviter des débats parfois longs et lourds sur la question de l'indemnisation. De plus, il faut toujours regarder l'indemnisation comme exceptionnelle. L'indemnisation comme alternative exceptionnelle L'indemnisation n'a jamais été la règle incontournable en matière d'interdiction législative. [...]
[...] La décision du Conseil d'Etat semble se justifier au regard de la jurisprudence parfois trop restrictive ainsi qu'au positionnement des instances supérieures par rapport à la question de la responsabilité sans faute de l'Etat législateur. Cependant il convient d'étudier la portée d'une telle solution qui se doit de ne pas être sans limites. II) Une réponse à la portée nécessairement limitée Une telle décision a indubitablement une grande portée. Il était néanmoins nécessaire que le Conseil d'Etat la limite lui-même dans un souci de sécurité juridique et économique. [...]
[...] L'apport est d'autant plus conséquent qu'il est la consécration d'un principe d'engagement de la responsabilité sans faute de l'état. L'examen du critère relatif à la normalité des aléas obéissait déjà à cette analyse au cas par cas. La Section du contentieux du Conseil d'Etat, dans l'affaire Lavaud, s'était démarquée pour avoir apprécié la situation individuelle d'un commerçant pour estimer par la suite s'il avait droit au maintien d'une clientèle. L'estimation du caractère grave ou spécial du préjudice est donc tributaire de la situation de la personne qui la subit et P. [...]
[...] Il ne faut pas perdre de vue que les trois critères qui subsistent sont assez stricts pour ne pas interférer de manière conséquente sur les décisions futures. L'aléa que comporte l'exercice d'une activité nuisible dénote un risque assumé qui pourra toujours être opposé aux requérants. Il faudra vraiment que le préjudice soit anormal pour que le juge indemnise l'interdiction. Le législateur reste pleinement maître du droit à indemnisation dans la mesure où la jurisprudence actuelle ne vient qu'interpréter son silence et non la lettre même de la loi. En aucun cas le juge ne peut remettre en cause la volonté clairement manifestée du législateur. [...]
[...] La Cour Administrative d'Appel compétente va confirmer le jugement de première instance au motif qu'aucune disposition législative expresse ne prévoit un droit à réparation au bénéfice de l'exploitant de l'activité visée par le législateur. La requérante va donc demander l'annulation devant le Conseil d'Etat de la décision de la Cour d'Appel Administrative de Douai. La question qui se pose à la Haute Juridiction administrative est la suivante : Peut-il y avoir lieu à réparation du préjudice grave et spécial causé par l'application d'une loi même si celle-ci ne le prévoit pas expressément? [...]
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